Chronique musicale
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J’AURAIS VOULU ETRE UN DANSEUR

Alain Berliner (France/Belgique 2006 - distributeur : Cinéart)

Jean-Pierre Cassel, Vincent Elbaz, Cécile de France, Jeanne Balibar

105 min.
25 avril 2007
J'AURAIS VOULU ETRE UN DANSEUR

S’obstiner à catégoriser « J’aurais voulu… » « comédie musicale » est une façon de l’amputer de sa sève complexe au profit d’une critique aisée puisque chacun sait, y compris le réalisateur, que son film ne peut en aucun cas rivaliser avec les paradigmes du genre.

Le regarder en élargissant la vision au-delà des claquettes est lui donner le rythme et la respiration qu’il mérite.

Le rythme parce que « J’aurais voulu… » est scandé - syncopé semble même un terme plus approprié en raison du côté jazzy à la fois de la musique narrative de Terry Davies et chorégraphiée du groupe « Nouvelle vague » - par le déroulement d’une ligne du temps qui suit, sur quatre générations, la transmission d’une même passion pour la danse

La respiration parce que, à travers l’histoire plus précise de François (Vincent Elbaz), le cinéaste va continuer la réflexion qu’il avait déjà entamée dans « Ma vie en rose » et « Passion of mind » sur les rapports d’intimité conflictuelle qu’entretiennent les notions de besoin, désir, imaginaire et réalité.

L’écriture de « J’aurais voulu… » alterne fantaisie et gravité dans la réponse qu’elle propose au sentiment d’oppression ressenti par son personnage principal, un François pressurisé par la banalité d’une vie bourgeoise qu’il n’a pas choisie. Elle a aussi ce quelque chose d’inabouti qui confère au film une atmosphère-gruyère, proche du déroulé quotidien de chacun qui oscille entre hasard, chance et volonté de contrôle.

Hanté par l’ombre d’un mensonge - sa mère lui a fait croire que son père était mort – François va échapper à ta toxicité de ce non-dit par un joli tour de passe-passe symbolique au cours duquel il sera adoubé, par celui qu’il croyait disparu à tout jamais, d’un nom de scène, Gene Broadway, qui scellera entre le fils et le père, une reconnaissance plus authentique que celle qui découle de la paternité biologique.

La lourdeur avec laquelle Vincent Elbaz danse est presqu’un atout, parce qu’elle donne un sens à l’engouement qu’il va ressentir pour le chef d’œuvre de Stanley Donen « Singing in the rain ». En effet existe-t-il, d’un point de vue cinématographique, film plus complet et par là-même plus à même de souligner (et révéler), en creux, l’inachèvement de celui qui rêve de lui rendre hommage ?

C’est en entrant dans la magie d’un monde dont il ignore tout mais qu’il est, inconsciemment, actionné à admirer que François va se libérer. En nouant un autre lien à son corps, il va se réapproprier une réalité qui lui a été cachée. Un peu comme si l’émergence d’une mémoire enfouie s’accompagnait d’une légèreté corporelle jusque là ignorée.

Raison pour laquelle le film se termine sur un final réjouissant qui remise aux oubliettes la fadeur des chorégraphies précédentes. Et qui donne une réponse à la question sous jacente à toute l’œuvre du cinéaste, bien avant que Luc Ferry en fasse le titre de son essai le plus vendu, « Qu’est-ce qu’une vie réussie ? » (*) Peut-être tout simplement une vie que l’on cesse de rêver mais que l’on choisit d’assumer. Une vie où l’on quitte le mode conditionnel pour une déclinaison au présent. Une vie qui glisse de « J’aurais voulu… » à « Je désire être … » (m.c.a)

(*) Ed.Grasset