Chronique dramatique
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KHADAK

Jessica Hope Woodworth et Peter Brosens (Belgique/Allemagne/Pays-Bas 2006 - distributeru: Cinéart)

Batzul Khayankhyarvaa, Tsetsegee Byamba

110 min.
21 février 2007
KHADAK

Terre mystérieuse et majestueuse, il est visuellement programmé que la Mongolie séduise et fascine les cinéastes.

La poésie de ses paysages ont inspiré, notamment, Spielberg qui dans ses « Rencontres du troisième type » a choisi de placer dans le désert de Gobi (*) un vaisseau extra-terrestre échoué et Nikita Mikhalkov qui a célébré la vastitude de ses steppes dans le magique « Urga ».

Dans « L’histoire du chameau qui pleure » et « Le chien jaune de Mongolie » Byambasuren Davaa a réussi à mettre au service d’histoires qui cognent au cœur la beauté élégiaque d’un territoire et de ses habitants dont le contact respectueux avec la nature impressionne parce qu’il semble d’un autre temps.

Ce temps qui, dans « Khadak », griffe l’ancestrale inscription de l’homme dans le cosmos.

Bagi est un jeune nomade chassé de sa yourte par les autorités qui prétendent lutter contre une épidémie qui ravage les troupeaux. Il est envoyé dans une ville minière dont la désolation rime avec la perdition de ses habitants, désarçonnés par une confrontation entre traditions et modernité à laquelle plus de septante ans de socialisme ne les avait pas préparés.

Brosens et Woodworth viennent du documentaire, école dont la rigueur et les égards vis-à-vis des faits réels ne les empêche pas d’aborder, avec conviction, la narration fictive.

Ils utilisent la couleur, notamment le bleu azuréen intense du vêtement de cérémonie qui donne son titre au film, la musique et ses longs chants diphoniques, la poésie mongole contemporaine (« … il ne reste au ciel qu’à attendre la mort de l’aube… ») pour sensibiliser le spectateur au fait que, trop exploitée, la terre souffre. Que confronté à une trop rapide transition économique, le Mongol risque, en perdant sa qualité de nomade, de s’éloigner de son âme. Cette âme faite pour vibrer au rythme des saisons, des pérégrinations et des animaux.

Ce n’est pas par hasard que Bagi est destiné à devenir chaman (*), cet homme mi-devin mi-thérapeute dont les transes sont sacrées parce qu’elles établissent un lien entre les mondes visible et invisible, entre le passé, le présent et le futur.

Transes qui, dans la Mongolie moderne, ont perdu tout sens et ne sont plus que le symptôme d’une maladie - l’épilepsie - qu’il convient de soigner à l’aide de médicaments.

Brosens et Woodworth se défendent d’avoir fait un film à message. Ils ont fait un film qui, à travers le destin individuel d’un jeune homme, cerne les difficultés d’une société en mutation - ils auraient pu faire de même avec la nation inuite ou thibétaine.

C’est par un mélange d’aplomb entre constat réel et émotion symbolisée qu’ils réussissent à nous intéresser à un propos dont la gravité et le lyrisme se répondent harmonieusement. (m.c.a)

(*) Scène faisant partie des treize ajouts à la version de 1980 (dite « Edition spéciale ») par rapport au film matriciel de 1977.
(**) Bartabas dans le film « Chamane » - qui se passe en Sibérie - évoque, avec son magnétisme habituel, les pouvoirs de ces "médecins" d’ Asie centrale et septentrionale.