L’accident de piano

« La culture du vide « pourrait être un autre titre de ce film de Quentin Dupieux qui signe, sous un titre tout a fait neutre, une féroce comédie satyrique des déviations scandaleuses d’une société où la bétise véhiculée à des milliards d’étres sur terre par des sites irresponsables est un critére de référence, de notoriété, de richesse outrageuse..

Le film s’ouvre sur une image saisissante, celle d’un piano suspendu par une grue dans l’espace qui soudain s’écroule, puis le noir et l’arrivée dans un chalet luxueux d’une jeune femme, Magalie (Adèle Exarchopoulos), star du web, visiblement « amochée », un bras en bandoulière, le tout agrémenté du sourire aux reflets argentés de son appareil dentaire. On comprend peu à peu qu’il s’est passé quelque chose de grave avec ce piano et qu’elle est là, avec son assistant, Patrick (Jérôme Commandeur), pour faire un break et réfléchir à la situation nouvelle créée par cet « accident de piano » qui, pour nous spectateurs, reste encore un mystère. Et c’est toute la subtilité du réalisateur de distiller au long du film les petits détails qui nous feront comprendre que … chut..
Que fait Magalie l’influenceuse, pour ainsi passionner ses abonnés, ses « suiveurs » ? Jouant de sa maladie, l’ICD (insensibilité congénitale à la douleur), Magalie poste des vidéos chocs , de plus en plus chocs et insoutenables, testant de plus en plus les limites de son automutilation : électrocution, coups de marteau, machine à coudre jusqu’au piano …il n’y a pas de limites car sa notoriété et sa richesse l’enferment dans une spirale toujours plus absurde de violence.
Sans dévoiler l’intrigue qui doit se laisser découvrir, disons qu’une journaliste, Simone Herzog (Sandrine Kiberlain) est au courant de la vérité qui entoure ce fameux accident de piano et propose à Magalie, en échange de son silence, de faire un interview choc, le premier interview de la star du web réalisé par une journaliste. Merveilleuse scène de cet entretien entre la journaliste et Magalie , assises face à face.

Le film est rythmé par des notes de piano lancinantes qui se suivent comme des petits coups de marteau, augmentant peu à peu la tension, les menaces et le malaise. Adèle Exarchopoulos est exceptionnelle dans ce rôle d’influenceuse dénouée de toute morale, de toute émotion et uniquement mue par la célébrité et l’enrichissement à tout prix.

France Soubeyran