Coup de coeur
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Coup de coeurL’ENFANT D’EN HAUT

Ursula Meier (Suisse/France 2012)

Lea Seydoux, Kacey Mottet Klein

97 min.
25 avril 2012
L'ENFANT D'EN HAUT

A l’écoute des palpitations des cœurs et de leurs métamorphoses.

Au cinéma, comme en littérature, la montagne est bien plus qu’un élément du décor. Elle est un véritable personnage du récit.

Dont la valeur a longtemps été le symbole d’une quête spirituelle, d’une conquête de courage et d’une entraide, celle d’une solidarité comme chez Frison-Roche ou d’un refus du Monde comme chez Lucas Belvaux et la fin magnifique de son film « Cavale ».

Aujourd’hui elle est surtout un lieu de clivage entre ceux d’en haut et ceux d’en bas. Entre ceux qui possèdent et ceux qui sont en manque.

Dans « Possessions » d’Eric Guirado c’est en Haute Savoie que le cinéaste choisit de poser son caméra pour saisir un des « versants » sombres de la nature humaine : la jalousie et sa jumelle la convoitise.

Dans « L’enfant d’en haut », Ursula Meier articule son récit entre une station de skis réservée à de riches vacanciers et la vallée qu’elle surplombe.

Dans celle-ci vivent Simon et Louise. Il a 12 ans, elle en a un peu plus du double. Elle enchaîne petits boulots et amants. Chaque jour il prend le téléférique pour dérober là-haut skis et blousons, les revendre et offrir le fruit de ses larcins à celle qui dans un premier temps est présentée au spectateur comme étant sa sœur.

L’enjeu de ce film parfois cruel, souvent désenchanté est double. A la fois social par le regard qu’il pose sur les précarisés de la société occidentale et à la fois poignant.

Faisant de l’avoir mal acquis une fragile et inadéquate réponse au mal-être d’un enfant frustré.

Parce que non reconnu, non accepté par une mère elle-même trop immature pour savoir et comprendre qu’un fils ne doit pas être instrumentalisé mais aimé. Ecouté et structuré.

C’est par une mise en scène proche du scalpel, au parti pris pudique - larmes et sentimentalisme sont ici persona non grata - servie par deux acteurs épatants que la cinéaste poursuit, après « Home » sa première réalisation, sa réflexion sur la complexité et l’ambiguïté des secrets et des liens qui fondent les familles.

Comme dans « Angèle et Tony » d’Alix Delaporte, Ursula Meier, sans psychologiser ou juger, décrit avec une émotion croissante mais toujours retenue le lent et beau chemin qui mène deux êtres à reconnaître et exprimer l’amour qu’ils se portent.

La tendresse maternelle n’est pas, chez toutes, innée. Chez certaines, elle est cachée. Enfouie.

La voir émerger sans pathos, avec une déconcertante douceur est un des plus bouleversants mystères de la comédie (ou du drame) humain(e).

Un intéressant entretien avec Ursula Meier est paru dans le "Positif" de ce mois d’avril 2012.

"L’enfant d’en haut" a été primé lors de la dernière Berlinale. (mca)