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L’ÉVÉNEMENT

Audrey Diwan

Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet Klein

100 min.
2 février 2022
L'ÉVÉNEMENT

C’est le cas de le dire. Certains diront que le film parle d’histoire d’autrefois. Je crains hélas que le sujet soit resté d’actualité tant les difficultés subsistent encore lorsque la contraception a échoué et qu’une grossesse non désirée doit être interrompue. Tel est le thème de ce récit dont le titre détourne cette expression « Un heureux événement » qui désigne une naissance.
Nous sommes dans une grande ville de province avant l’adoption de la loi Veil du 17 janvier 1975 qui dépénalise l’interruption volontaire de grossesse. Une étudiante est confrontée à ce drame épouvantable de devoir trouver de l’aide dans un pays qui met les faiseuses d’anges et leurs complices en prison. Aujourd’hui encore, certains crétins de Pro Vita, Pro Vie ou Pro Life voudraient revenir à cette situation qui est toujours si fréquente dans le monde. Et en France même, interrompre une grossesse reste aujourd’hui un parcours de combattante pour des raisons complexes qu’aucune politique ne semble déterminée à affronter.
Inutile de dévoiler l’histoire, elle est découpée en 14 semaines dont aucune étape ne nous est épargnée. La pudeur qui est respectée dans le film est due sans doute au fait que c’est une réalisatrice qui a mis en scène des moments d’une terrible intensité. Et rien ne nous est épargné. Personnellement, j’adhère à cette démarche très réaliste, parfois crue, car elle est indispensable je pense, pour prendre la mesure de la solitude, de l’angoisse et de la douleur de ce parcours.
Pour se mettre dans l’ambiance, écoutez sur ce sujet La Romance du 14 juillet.
Le film se veut réaliste et la caméra ne quitte pas l’actrice qui bouge beaucoup, vous remarquerez que souvent elle est filmée de face lorsqu’elle avance à grand pas et qu’ainsi l’on matérialise en quelque sorte l’absence de perspective pour cette jeune femme qui va de l’avant sans le voir avec une détermination absolue. Anamaria Vartolomei est tout simplement prodigieuse de naturel et d’une force de caractère absolue. Nous l’avions admirée déjà dans L’Échange des princesses (463). La subtile utilisation des mises au point de l’image dans de nombreux plans ajoute encore à cette focalisation sur cette femme et le regard qu’elle porte sur les autres.
La musique d’ambiance lors des soirées de flirt est pleine du charme de cette époque des années 60 durant laquelle la « libération sexuelle » n’avait pas encore été bien balisée. L’est-elle mieux aujourd’hui ? La musique extra diégétique est absolument poignante, peu utilisée mais à bon escient.
La réalisatrice exerce des métiers complémentaires, en littérature, journalisme et elle a collaboré à de nombreux scénarios ; ce deuxième film est un coup de maître. Il est inspiré du roman éponyme de Annie Ernaux, une femme de lettre française dont l’œuvre n’est pas exempte de polémiques. Et ce film prolonge, enrichit ce « combat » pour que les femmes soient simplement libres de gérer et leur vie et leur corps. Lorsqu’on y sera arrivé, ce sera un fameux événement.

Francis de Laveleye