Drame social
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L’HIVER DERNIER

John Shank (France/Suisse/Belgique 2011)

Anaïs Demoustier, Aurore Clément, Vincent Rottiers, Michel Subor

100 min.
28 mars 2012
L'HIVER DERNIER

L’hiver dernier ou le dernier hiver ?

Il y a quelque chose de têtu, de tragique, d’irréversible dans ce premier long métrage de John Shank qui incite à serrer les poings et à broyer du noir.

Quelle est cette société dans laquelle nous vivons ?

Une goule ? Une mutante qui ne respecte plus la terre et pressurise les travailleurs - qu’ils soient ouvriers (« Les neiges du Kilimanjaro » de Robert Guédiguian), cadres (« De bon matin » de Jean-Marc Moutout) ou comme ici agriculteurs dont le nombre, en moins de dix ans, a baissé de moitié en France.

Quelque part en Midi-Pyrénées, sur le magique et isolé plateau d’Aubrac de l’Aveyron. Johan consacre tout son temps et son énergie à tenter de sauvegarder la ferme héritée de son père. Il entretient avec les éléments naturels et les animaux un rapport à la fois profond et intime.

Un rapport qui le satisfait par une simplicité, une cohérence et une permanence qu’il ne trouve pas dans un Monde qui change à toute vitesse et auquel il n’a pas envie (ou la force ?) de s’adapter - les dérives de l’agriculture industrielle, la globalisation et la dérégulation des marchés alimentaires qu’elle entraîne.

Habitué au silence des paysages, réconforté par la routine de gestes essentiels et quotidiens, fidèle à une tradition familiale et régionale, mal à l’aise avec les nouveaux enjeux économiques et environnementaux, il choisit de se retirer, pour un ultime et déchirant voyage au cœur d’une nature sauvage et majestueuse, non pas pour (se) fuir mais pour tenter, une ultime fois, de se reconnecter à ce sol qui l’a façonné et nourri.

Pour donner consistance à ce beau film mélancolique, aux couleurs automnales, un formidable acteur qui apporte à son personnage densité et puissance. Rendant par une justesse d’interprétation épurée " la fragilité de ceux qui portent en eux la nostalgie d’un monde révolu" - Satyajit Ray à propos de son "Salon de musique".

Vincent Rottiers (*), par son corps de moujik taillé pour la glèbe, réussit à tisser avec cette terre à laquelle il ressemble, un lien quasi symbiotique tout comme par son jeu minimalisme, il arrive à rendre poignante une incapacité à s’adapter aux exigences financières des temps nouveaux.

Il a quelque chose de Burt Lancaster qui, dans « Le guépard » de Visconti, se retire d’une scène sur laquelle il ne sait plus quel rôle tenir.

Ils donnent, tous les deux, la même envie de se tenir à leurs côtés et de les aider à ne pas désespérer de l’avenir qui s’annonce.

A leur suggérer de participer au mouvement coopératif et solidaire des "Indignés" qui si l’on n’y prend garde pourrait devenir celui des "Insurgés".

Une avant-première est organisée au studio 4 de Flagey en présence du réalisateur. (mca)

(*) Swann de la révélation masculine au festival de Cabourg 2010 pour "Qu’un seul tienne et les autres suivront" de Lea Fehner.