Arcelia Ramírez, Alvaro Guerrero, Jorge A. Jimenez
Stabat mater dolorosa pourrait être la musique qui témoignerait au plus près de la douleur de cette mère dont la fille est enlevée par la racaille mexicaine. Et vous découvrirez son long parcours de Stabat mater furiosa (petit clin d’œil à Sophie Marceau) dans ce film qui n’est pas une charge contre le Mexique gangréné par les démons de la drogue, même s’il s’y déroule, mais une tragédie moderne provoquée par la disparition de toute morale, par le mépris complet de la vie. Et que nul ne prétende que nous soyons à l’abri de cette dégénérescence ; demandez aux Anversois, aux Parisiens de la couronne envahie par le crac !
Ici le récit fonctionne comme un poème symphonique où trois thèmes s’entremêlent : le récit policier de l’enquête, celui de la douleur intime de La Civil qui prendra les risques les plus fous pour retrouver le fruit de ses entrailles, et, sur un ton mineur, celui de l’évolution du couple des parents, ce qui ne manque pas d’intérêt.
Vous serez spectateurs des actions les plus cyniques, vous assisterez à une séance « d’annonce » comme jamais l’on ne souhaiterait en vivre, vous verrez comment la rage de savoir fait surmonter les peurs les plus terrifiantes.
Vous serez sensibles à la répétition de ce geste qui consiste à frapper à une porte close en espérant que « l’on vous ouvrira », que l’on vous apporte un secours indispensable. Cet acte devenu symbolique, illustre bien la détermination de cette mère courage.
Le film est d’une grande modernité stylistique, la caméra proche des protagonistes, très mobile, les lumières, souvent nocturnes, contribuent aux tensions stressantes qui ponctuent le récit à un rythme suffisamment soutenu pour que les 140 minutes du film ne paraissent pas (trop) longues. La présence fascinante de Arcelia Ramỉrez est en soi un spectacle qui montre la richesse d’interprétation nécessaire dans une tragédie de cette force.
La réalisatrice est belgo-roumaine, ce qui justifie le tax shelter sans lequel un tel film sans doute n’aurait pu être produit pour une « débutante » en fiction qui a déjà beaucoup d’expériences audio-visuelles.
Alain Dessauvage, le monteur belge, a fait un travail très ciselé et difficile car l’histoire n’est pas sans ellipses, surprenantes parfois, mais tout à fait lisibles.
Le film pourrait se voir comme un narco-western, mais sans perdre de vue que la femme qui est ici incarnée est inspirée par une vrai mère qui, dit-elle, se lève chaque jour « avec l’envie de mourir ou de tuer », ce qui n’est pas simple à assumer.
Le dernier plan du film propose un mystère ambigu qui vous récompensera d’une vision exigeante.
Francis de Laveleye