Ecran témoin
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Coup de coeurLA COULEUR DES MOTS

Philippe Blasband (Belgique 2005 - distributeur : Climax Film)

Aylin Yay, Serge Larrivière, Benoît Verhaert

62 min.
22 mars 2006
LA COULEUR DES MOTS

Voilà un film magnifiquement humain.
Il est ce que nous devrions tous être devant la différence de l’autre : tolérants, soucieux de comprendre pour mieux accepter et respecter le fait que chacun tisse avec le monde une relation langagière qui lui est propre.

« La couleur des mots » est une approche, à la fois documentée (interventions discrètes d’une psychologue qui pose la difficulté, plus qu’elle ne l’explique) et fictionnelle (à-travers 24 heures de la vie d’une jeune femme prénommée Marie) de la dysphasie c’est-à-dire d’un trouble structurel de l’acquisition et de l’organisation du langage verbal.

Si pour Rimbaud, les voyelles sont chromatiques, si pour le chanteur Christophe les mots sont bleus (comme ils l’étaient pour Sylvie Testud et sa fille dans le film doux-amer d’Alain Corneau), ils sont pour Marie une souffrance puisqu’à tout moment ils peuvent se bousculer, se désordonner au point de ne pouvoir être correctement entendus ou prononcés.

Face à ce handicap qui rend chaotique la relation à l’autre et qui empêche de s’insérer dans le monde du travail, surgissent l’angoisse et la tentation de l’alcool pour y échapper.

L’image de Blasband se tient droite, elle ne vise pas à attendrir et c’est justement pour cela qu’elle touche profondément. Elle est empreinte à la fois d’une sereine tristesse et d’une force surprenante parce qu’elle garde, en dépit des difficultés, la porte ouverte à la moindre opportunité de communiquer.

Ce beau film rappelle le témoignage du cinéaste belge Luc Boland qui dans « Les sirènes dans la nuit », loin de tout voyeurisme et émotivité compassionnelle, cerne la relation particulière qui va s’établir entre un petit Lou, dont l’absence de membrane entre les 2 hémisphères du cerveau le rend aveugle et « différent », et ses parents.

La délicatesse de Boland, qui est le père de Lou, à parler de son enfant renvoie à celle de Blasband dont on apprend, en fin de générique, que le dédicataire de son film est son fils dysphasique de 7 ans.

Il s’appelle Théo.
Et on lui souhaite tout le bonheur du monde qu’il pourrait apprivoiser, comme un autre Théo (Van Gogh) avec des couleurs au bout du pinceau. (m.c.a)