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LA DERNIÈRE TENTATION DES BELGES

Jan Bucquoy

Alice Dutoit, Wim Willaert, Alex Vizorek

75 min.
2 février 2022
LA DERNIÈRE TENTATION DES BELGES

Ce réalisateur est un personnage du microcosme belgo-bruxellois, connu comme amuseur, provocateur, anarcho-sympathique et déjanté. Patron du musée du slip… Une sorte d’Alfred Jarry qui imiterait les Marx Brother. Et ce film est à son image. Même s’il a fait interpréter le personnage qui porte son nom par un acteur flamand, impavide et tendre, Wim Willaert à l’accent du Nord très marqué. Ceux qui connaissent un peu les milieux que nous traversons de scène en scène s’amuseront de mille allusions, références et moqueries. Voir Alex Vizorek en Michel Piccoli dans le lit de Brigitte Bardot (sa remplaçante, heureusement…) et fugitivement Jannin et Liberski, voir un jury avec Pierre Mertens, Bernard-Henri Lévy et Amélie Notomb, e.a. ne manque pas de charme, sans compter les innombrables mentions, allusions, évocations de tout un univers culturel, jusqu’à un Déjeuner sur l’herbe qui rappelle que l’art pour progresser se doit d’être transgressif. Soyons de bon compte, ce film ne fera sans doute pas progresser l’art mais rend hommage de façon souriante et paillarde aux œuvres qui sont évoquées. Et la présence sympa de l’entarteur bien connu complète cette espèce de ménagerie qui pourrait simplement distraire.
Ce qui est bouleversant, lorsque l’on en est informé, c’est que la fille du réalisateur a mis fin à ses jours en 2008 et que ce film est l’histoire d’un père qui empêche sa fille de se suicider…
Leurs échanges prennent donc un sens qui dépasse, et de loin, le premier degré, celui de l’humour qui est la politesse du désespoir. Ne versons pas dans la (psy)analyse et le décodage de propos tantôt délirants, tantôt très finement tendres, où guignolesques sur la politique.
Le cinéma est très présent aussi par de nombreuses allusions, dont la moindre n’est pas l’utilisation du titre de Martin Scorsese qui n’en demandait pas tant ; le Christ non plus.
La singularité et la diversité foisonnante des talents (provocateurs) du réalisateur seront un jour étudiées comme le sont des artistes de la famille de Marcel Broodthaers, de Salvador Dali ou Marcel Duchamp, de tant d’autres en rupture avec leur époque, cherchant à provoquer de façon originale et parfois créative, parfois potache.
Ce film est un condensé de toutes ces démarches qui réjouissent et surprennent, qui donnent à notre culture de notre petit pays une saveur si particulière.
Le traitement des images par Michel Baudour est particulièrement approprié, souvent cadrées de façon statique, simple, avec de rares mouvements et quelques effets de lumière justifiés par les lieux improbables que nous découvrons de loin en loin.
La bande sonore est un régal de détournement de chansons et d’airs archi connus. Les dialogues en voix off sont une ornementation narrative très distanciée avec les lieux si convenus à première vue. Ce film invite à un décodage des déconnages qui s’y déroulent avec truculence parfois. Laissez-vous tenter.

Francis de Laveleye