Maria Mozhdah, Adil Hussain, Ekavali Khanna
« La mauvaise réputation » (titre original : « Hva vil folk si » qui se traduit par « Que vont dire les gens ») est le deuxième long-métrage de la réalisatrice norvégienne Iram Haq (« I Am Yours », 2013). À partir de son expérience personnelle, la cinéaste signe un film engagé à travers lequel elle nous raconte l’histoire de Nisha, une jeune fille de seize ans, qui mène une double vie. Lorsqu’elle est à la maison avec sa famille, elle se comporte comme la parfaite jeune fille pakistanaise. Mais dehors, avec ses amis, c’est une adolescente norvégienne ordinaire. Tout va basculer le jour où son père la surprend dans sa chambre avec son petit ami.
Tout d’abord, nous tenions à saluer la prestation de Maria Mozhdah qui incarne Nisha et qui crève littéralement l’écran. Dans ce film qui traite du choc entre deux cultures, la réalisatrice entend dénoncer les mariages forcés et les kidnappings dont font l’objet les jeunes filles. Elle-même a été emmenée de force au Pakistan par ses parents lorsqu’elle avait 14 ans. À travers le personnage de Nisha, c’est son histoire qu’elle raconte mais également celle de toutes les autres qui ont subi le même sort. Iram Haq parvient malgré tout à prendre la distance nécessaire pour raconter cette histoire en développant les points de vue de deux personnages, Nisha et le père. Dans une interview, la réalisatrice expliquait : « De nombreux journalistes voulaient connaître mon histoire, mais je voulais la raconter à ma manière. J’ai attendu puis je l’ai écrite en 2010, mais c’était encore trop noir ou trop blanc. Je voulais avoir le point de vue de mon père également. Lorsqu’il m’a demandé pardon à l’âge de 81 ans, avant de décéder 2 années plus tard, nous sommes redevenus amis et j’ai eu l’occasion de savoir ce qu’il s’était passé dans sa tête. » [1] Même si on regrette que les personnages secondaires n’aient pas été davantage développés, nous avons quand même une vision globale de l’histoire.
L’honneur et le regard des autres sont très importants dans cette culture, jusqu’à devenir un fardeau. À ce propos, la réalisatrice réussit en un seul plan fixe à symboliser cette problématique lors de la séquence où le père revient au Pakistan chercher sa fille. Il la fait alors sortir de la voiture, l’emmène au bord d’une falaise et lui ordonne de sauter. Mais Nisha le supplie de lui pardonner et le père éclate en sanglots en s’abaissant. Le ciel et le paysage du Pakistan viennent alors écraser son dos et ses épaules. Tout est dit.
Nous pouvons aussi remarquer les changements de couleurs entre les scènes qui se déroulent en Norvège et qui s’appuient sur des tons plus froids (bleu, rose pâle), et celles au Pakistan qui reposent sur des couleurs chaudes (orange, rouge). Sur le plan de l’écriture, le film alterne entre des scènes difficiles et d’autres plus légères qui nous permettent de souffler. Chaque prise de liberté de la part de l’héroïne est sévèrement punie. Elle veut vivre librement et c’est justement cela qui est réprimandé, qui plus est, par des personnes qui sont censées être bienveillantes à son égard. C’est un des points importants que met en évidence le film. Car au-delà du regard des autres, les parents et le reste de la famille ont une responsabilité. Ce que ne faisait pas le film « Noces » de Stephan Streker qui traitait du même sujet et qui dressait une vision essentialiste des individus. Autrement dit, il laissait entendre que les membres de la famille ne sont pas responsables de leurs actes car c’est la société qui les contraint à agir de la sorte. Et bien que le réalisateur affirmait dans la presse que son film n’excusait rien, ce n’était pas le message que nous avions perçu à la fin de la projection. Ici, on a clairement le sentiment que l’œuvre rend justice au personnage de la jeune fille.
(Nathalie De Man)
[1] 1