Elsa Zylbertstein, Fanny Valette, Bruno Todeschini
Pour un premier essai, bravo. C’est un film réussi qui oscille, avec finesse et douceur, entre histoire intimiste et regard sociologique posé sur un milieu arc-bouté à ses règles et ses tabous : celui du quartier de Sarcelles, dans la banlieue parisienne, où vivent de nombreux immigrés juifs d’Afrique du Nord.
Deux sœurs vont essayer, chacune à leur façon, de s’émanciper d’une coutume religieuse qui les asphyxie autant qu’elle peut les réconforter.
Mathilde, l’aînée est mariée à Ariel, un juif ultrapratiquant dont la frénésie vis-à-vis des rites n’est pas sans évoquer les héros de « Kadosh » d’Amos Gitai.
Laura, 18 ans, a entamé des études de philosophie dans l’espoir d’y trouver une pensée personnelle lui donnant la force de se dés-enliser des préceptes de son éducation orthodoxe.
La quête de liberté de ces deux jeunes femmes passera pour l’une par la découverte des premiers émois amoureux dans les bras d’un musulman, pour l’autre par une réflexion sur une possible conciliation entre le respect de la Torah et la libre expérimentation de ses désirs .
Le film touche par le jeu sincère de ses interprètes - soulignons tout particulièrement les prestations impeccables des personnages féminins -, par une mise en scène simple et rigoureuse et par l’ampleur intellectuelle sans jamais être didactique des sujets abordés : ainsi le rite kantien de la promenade quotidienne peut-il être rapproché d’un rite religieux en ce qu’il permet à la raison de prendre le pas sur le sentiment.
Mathilde, dont le jeu à la fois frémissant et soumis, fait écho à celui d’Isabella Rossini dans « Left luggage » de Jeroen Krabbé, rappelle que la Loi religieuse (tout comme la Loi philosophique dont se prévaut sa sœur) n’est supportable que si elle se vit, au quotidien, avec distanciation. (m.c.a)