Drame social
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Coup de coeurLA RAISON DU PLUS FAIBLE

Lucas Belvaux (France-Belgique 2006 - distributeur : Cinéart)

Natacha Régnier, Claude Semal, Patrick Descamps, Eric Caravaca, Lucas Belvaux

116 min.
13 septembre 2006
LA RAISON DU PLUS FAIBLE

Une des raisons d’aimer ce film est qu’il ne soit pas du côté des vainqueurs.
Comme dans le très récent Lion d’Or de la Mostra de Venise 2006, « Still Life » de Jia Zhang-Ke, Lucas Belvaux a fait choix de s’intéresser « aux problèmes des classes sociales affaiblies », celles qui essayent, malgré les embûches de la modernité, d’encore tenir debout.
Les petits, les obscurs n’ont pas toujours été les personnages de prédilection du cinéaste.

Dans son premier long métrage « Pour rire », c’est avec malice qu’il contrevenait aux lois du vaudeville bourgeois. Dès la trilogie qui a fait sa renommée son regard devient plus incisif. Il arrive à rendre sensibles les silences et les mal dits qui circulent dans les espaces conjugaux et amicaux.

Dans « La Raison du Plus Faible », autour de la préparation d’un braquage par trois chômeurs, il se fait l’écho d’une parole, celle de ceux qui, dans le monde ultra libéral du travail, n’arrivent pas à trouver leur place. Ses personnages, deux ouvriers métallurgistes licenciés pour restructuration économique et un jeune universitaire sans emploi passent leurs après-midis à jouer aux cartes ou à bêcher leur jardin. L’amélioration de leur sort, ils la remettent au bon vouloir d’un billet de loterie acheté en pot commun.

Ils rencontrent un ancien détenu Marc - joué par le réalisateur lui-même dans un tempo mêlant pragmatisme et élan élégiaque à l’égal de la partition jazzy de Riccardo Del Fra - qui va les cornaquer dans leur apprentissage de mauvais garçons.

Cette initiation est à la fois pathétique en raison de la maladresse des candidats malfrats et absurde parce que Marc, en même temps qu’il les initie au maniement des armes, tente de freiner leur intention délictueuse.

Inspiré d’un fait-divers belge vieux de trente ans et au cours duquel le braquage d’une usine de ferraille s’est terminé par une distribution mi-hasardeuse mi-volontaire du butin à partir du toit
d’une HLM, « La Raison du Plus Faible » est un film militant. A la fois appel et mise en garde
dans l’esprit des films italiens des années septante (« La classe ouvrière ira au paradis » d’Elio Petri) et des films anglais des années Thatcher (« Raining Stones » de Ken Loach).

Appel pour que restent debout, sans tomber dans le désespoir ou la délinquance, ceux que la vie économique lamine et mise en garde parce que, si la société continue à sacrifier une partie de ses travailleurs à la loi du marché, elle doit s’attendre à des réactions de violence.

Sous la caméra frontale et pourtant légère de Lucas Belvaux, les relations entre les personnages ont quelque chose de cette tendresse magnifiée par les vers de François Villon récités par Patrick Descamps : « Frères humains qui après nous vivez, n’ayez les cœurs contre nous endurcis ».

Impossible de quitter ce film et ses dernières images d’un homme mourant dans les bras de son ami, sans avoir dans le cœur la Pieta de Michel-Ange, celle de la Basilique Saint Pierre et devant laquelle on ne peut qu’éprouver le sentiment infini de l’amour humain lorsque celui-ci devient le seul lien encore possible entre des êtres auxquels tout le reste a été enlevé. (m.c.a)

site officiel du film : http://www.cineart.be/scripts/fr/Films.Fiche.cfm?id=949