Adaptation d’un livre
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LA TAUPE (TINKER, TAYLOR, SOLDIER, SPY)

Tomas Alfredson (GN, Allemagne, France)

Gary Oldman, Colin Firth, Mark Strong, Toby Jones, David Dencik

127 min.
8 février 2012
LA TAUPE (TINKER, TAYLOR, SOLDIER, SPY)

Existe-t-il un lien entre un vampire et un espion ? Oui.

Ils se nourrissent tous les deux des autres. Le premier en suçant leur sang, le second en leur soutirant informations & renseignements.

Tomas Alfredson, réalisateur suédois, s’est intéressé avec une atypique intelligence visuelle à ces « parasites » - en 2009 son film « Let the right one in » revisite, virtuosité de mise en scène en bandoulière, un des sujets privilégiés du fantastique horrifique.

En 2011 c’est aux services secrets britanniques, genre cinématographique à part entière (*) qu’il redonne un coup de fouet. En insufflant au roman de John Le Carré (**) dont il est une adaptation une efficace théâtralité centrée sur le nerf vital du Monde de l’espionnage : qui est le bad guy ?

En 1973, George Smiley a pour mission de découvrir l’agent double qui a infiltré le M16 pour lequel il travaille - les suspects, dont il fait partie, sont cinq. Du travail de ses « petites cellules grises » dépend l’équilibre du Monde menacé par une guerre froide toujours bien présente.

Plusieurs lignes de force s’allient pour faire de « La taupe » une réussite classieuse et obsessionnelle.

Pas un bouton de guêtre ne manque à la reconstitution des années 1970, pas un mot de trop dans les dialogues qui font de cette chasse à l’homme un climax de la manipulation et de la suspicion, pas de déséquilibre entre les acteurs que la caméra honore, comme dans le "Margin call" de J.C. Chandor, du même intérêt qu’ils soient de premier ou de second rôle.

Il y a beaucoup d’habileté et de savoir faire techniques et psychologiques dans « La taupe ». De justesse aussi car il n’est pas facile à la fois de respecter la cohérence architecturale et morale d’un livre et de donner l’impression d’y avoir injecté une vision singulière et subtilement dérangeante.

Parce qu’elle ne met pas l’accent sur le côté spectaculaire (jamesbondesque) du métier d’agent secret mais sur ses aspects routiniers, solitaires, bureaucratiques.

Gary Oldman, magnifiquement compassé, n’a rien d’un héros auquel on a envie de s’identifier. Son parcours a quelque chose de sulpicien, de tragique, d’une infinie tristesse.

Comme si l’on était face à un homme qui, britishité oblige, semble s’être volontairement rogné les ailes pour mieux se couler dans le costume banal et amidonné d’un fonctionnaire de sa Gracieuse Majesté.

Comme si de l’adage « never explain, never complain », il ne se permettait de ne retenir que l’injonction de ne pas se plaindre. (mca)

(*) “The spy who came in from the cold” de Martin Ritt, “The tailor of Panama” de John Boorman, “The constant gardener” de Fernando Meirelles, “The quiet American”, de John Mankiewicz (1958) et Phillip Noyce (2002) “Les patriotes” d’Eric Rochant….

(**) “La taupe” est le premier volet de la trilogie de Karla (« Comme un collégien », « Les gens de Smiley ») dont le personnage principal est un homme de l’ombre qui allie expérience, détermination à toute épreuve et humanité compassionnelle qu’une longue carrière à démasquer trahisons et déloyautés n’a pas réussi à émousser.