Nora El Koussour, Ilias Addab
Layla est une jeune femme néerlandaise d’origine marocaine. Elle a du mal à imaginer un avenir dans cette société divisée d’aujourd’hui. Malgré le fait qu’elle vient d’une famille chaleureuse et qu’elle obtient des bons résultats au lycée, elle se sent incomprise. Parallèlement et en réaction à tout cela, sa foi islamique devient plus profonde. Elle se joint à un groupe de jeunes musulmans qui luttent pour l’acceptation et pour le droit de pratiquer leur foi. Quand elle rencontre le charismatique Abdel, elle choisit de suivre son chemin. Ils se marient et elle le suit au Moyen-Orient. Là, elle rencontre un monde qui, au départ, nourrit ses idées, mais qui la confronte finalement à un choix impossible.
Ce nouveau long-métrage que l’on doit à la réalisatrice néerlandaise Mijke de Jong (« BlueBird », « Love Hurts ») frappe fort et avec justesse. Il se concentre sur le personnage de Layla, interprété par la talentueuse Nora El Koussour, une jeune femme rebelle qui va se laisser emporter peu à peu vers un islam plus radical. Notons qu’à chaque nouveau film qui traite de la radicalisation, on a l’impression d’aller vers quelque chose de plus abouti comme si les cinéastes osaient davantage. Ce qui n’est pas pour nous déplaire. « Layla M » est doté d’une énergie incroyable qui s’affirme dès la séquence d’ouverture. Nous avons tous en tête ce moment où Layla qui arbitre un match de football s’énerve contre l’entraîneur de l’équipe adverse et à l’instant même où elle jette de rage son drapeau à terre, la musique retentit d’un seul coup.
Le film met aussi à bas une série de clichés et à aucun moment la réalisatrice ne porte un jugement sur son personnage principal. Layla est une jeune fille intelligente qui est consciente de ses choix. Elle est en quête d’identité et elle ne trouve pas son compte dans la société dans laquelle elle vit. Elle est aussi en conflit avec les membres de sa famille, elle voudrait les faire réagir sur certains sujets mais ça ne les touche pas ou ils trouvent qu’elle exagère. Progressivement, elle va alors s’éloigner d’eux pour se rapprocher des membres d’un groupuscule islamiste avec qui elle a l’impression de partager les mêmes valeurs. Séquence après séquence, le film parvient à nous montrer les étapes de sa radicalisation qui passent notamment par sa tenue vestimentaire.
En dehors de la thématique de la radicalisation islamiste, le film traite aussi des droits de la femme, de l’intégration, du communautarisme, de la discrimination, etc. Tous ces sujets sont d’actualité et le film nous pousse à y réfléchir. Pourquoi des personnes qui ont obtenu la nationalité hollandaise, belge ou française doivent continuellement se justifier sur leurs origines ? Pourquoi les gens n’arrivent-ils pas à vivre ensemble ? Est-ce que c’est à cause des religions, des frontières ? Pourquoi les gens ont peur des autres qui sont différents d’eux ? Alors qu’au final tout le monde veut la même chose, avoir la possibilité de vivre « normalement » (job, famille, etc.) et être respecté. Et dans ce film, il y a cette jeune fille qui n’en peut plus de voir que sa communauté est rejetée. Sa mère lui demande à un moment donné pourquoi elle est toujours en colère ? Mais c’est parce que cela la touche davantage. Elle n’ignore pas le racisme qu’il y a autour d’elle alors que ses parents préfèrent l’ignorer et remercier Dieu pour ce qu’ils ont, sans se soucier de ce qu’il se passe ailleurs dans le monde.
En conclusion, « Layla M » est un film choc à voir. La réalisatrice et son équipe ont réussi à créer une œuvre dotée de scènes riches et subtiles grâce à un montage et à un cadrage qui traduisent avec justesse l’émotion de chaque scène. Se tenant parfois à distance, la caméra a toujours tendance à se rapprocher de ses personnages dans les moments à forte tension jusqu’à ce plan final sur les larmes de Layla.
(Nathalie De Man)