Qui suis-je ?
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Coup de coeurLE FILS DE l’AUTRE

Lorraine Levy (France 2012)

Emmanuelle Devos, Khalifa Natour, Pascal Elbé, Mahmood Shalabi

105 min.
11 avril 2012
LE FILS DE l'AUTRE

« La vie est un long fleuve tranquille » - Etienne Chatiliez.

Façon ironique et thématique (*) de souligner combien celle-ci peut être un torrent impétueux sans la possibilité de se réconcilier avec un destin que l’on n’a pas souhaité.

C’est à cette sagesse de l’acceptation que nous invite, pour son troisième film, une cinéaste qui a su faire d’un sujet piège à clichés un objet d’émotion et de réflexion. Un objet de profonde humanité.

Parce qu’elle a adopté pour raconter l’inattendu une manière simple. Eloignée de tout débordement sentimental, d’explication psychologisante ou de parti pris revendicatif. Portée par des acteurs et surtout actrices épatantes de naturel et d’intériorité.

A Haïfa, lors d’une nuit secouée par des bombardements, deux femmes accouchent. L’une est israélienne, l’autre palestinienne. Leurs bébés sont, par hasard, échangés. Réalité dont la vérité n’éclate et la aussi sans préméditation que lorsque ceux-ci ont 18 ans.

C’est autour de cette donnée impensable dont la révélation fulgurante blesse chacun de ceux qu’elle concerne que « Le fils de l’Autre » va se développer pour très vite atteindre un niveau de narration qui tout en n’oubliant jamais le conflit qui endeuille le Moyen-Orient refuse de faire de celui-ci le décor propice à une mésentente.

Il pose avec intelligence et bon sens, à travers un cas particulier, les questions qui, sans réponse, empêchent d’envisager une issue à ce conflit. Une issue acceptable pour tous.

Comment apprendre à rompre le cycle de la relation maudite qui lie l’occupant à l’occupé, le poseur de bombes au soldat, l’agressé à l’agresseur ? (**)

Une situation bloquée depuis longtemps pour des raisons religieuses et politiques peut-elle évoluer par la prise de conscience de quelques uns que la tolérance, la compréhension mutuelle sont des outils efficaces de mises à plat des différences ?

Si « Le fils de … » interroge la notion de frontière et propose, pour éviter les dommages personnels collatéraux à toute querelle territoriale, le droit pour chacun à disposer d’un espace où il est reconnu, il questionne aussi le mystère de ce lien biologique qui unit ceux dont les chromosomes sont mêlés.

 Non pas pour que chaque famille se replie sur elle-même mais au contraire pour que, mue par la confiance en sa propre force, elle s’ouvre à ceux auxquels elle aurait dû s’opposer.

Lumineux et chaleureux comme les films d’Eran Riklis ("The syrian bride", "Lemon tree"), profond et multiculturel comme ceux d’Amos Gitai ( "Free zone", "Désengagement"), « Le fils de … » réserve aux femmes des rôles magnifiques. Mélanges d’intuition, de tendresse et volonté.

Elles sont les premières à comprendre que la filiation est plus une affaire d’amour que de sang.

A comprendre que la paix avec soi et avec l’Autre est une question de générosité. D’ ouverture du cœur.

Et que celui-ci est au bout du compte le moteur de toutes les histoires qui se terminent bien.

Ou personne n’est écrasé, humilié ou nié. (mca)

(*) Chatiliez et Levy ont donné à leur film le même terreau : un accidentel échange d’enfants à la naissance. Fantasme porté par Michel Bouquet dans "Toto le héros" de Jaco Van Dormal.

(**) Dans un très beau documentaire "Sdérot, seconde classe" d’Osvalde Lewat, le pouvoir du 7ème art comme ouverture au dialogue  est évoqué par les fondateurs de l’école Sapir, école de cinéma ouverte aux Juifs et aux Arabes de la Bande de Gaza toute proche.