Avec Yanis Frish, Laurent Capelluto, Lucie Debay, Wim Willaert…
Au cœur d’un village des Ardennes, une mère vit avec ses deux garçons. Le père absent est en prison. Lucien (Yanis Frish), le plus jeune, est un enfant plutôt solitaire. Le décès de la grand-mère paternelle va venir bouleverser le fragile équilibre de cette famille qui vit en apnée. Lors de l’enterrement de celle-ci, Lucien est amené à revoir ce père (Laurent Capelluto) avec lequel la famille a coupé tous les ponts. En larmes, menotté et encadré par des policiers, assailli par les journalistes, ce père n’est autre que l’ennemi public numéro un. Miné par cette image détestée et détestable de son géniteur, Lucien décide de le revoir contre l’avis de tous.
Pour son deuxième long-métrage, Vivian Goffette nous plonge dans un drame familial filmé à hauteur d’enfant. Tout au long du film, le cinéaste luxembourgeois invite son public à épouser le regard du jeune Lucien et à accompagner celui-ci dans ses questionnements identitaires.
Thème récurrent dans la filmographie de Vivian Goffette, « Les Poings Serrés » aborde à nouveau une relation père-fils, dans ce cas-ci, dans ce qu’elle a de plus compliqué : comment grandit-on avec une paternité toxique et dont on ne peut se revendiquer ? (1)
Au fil du déroulé du film, Lucien va tout mettre en œuvre pour revoir ce père et construire une relation avec celui dont l’existence est gommée jusque dans les albums photos. Le jeune garçon, qui s’accroche au fait que son père n’a jamais fait de mal à sa famille, est tiraillé par son besoin de comprendre et de se forger son propre avis sur ce père haï de tous. Un père qui, le réalisateur ne laisse planer aucun doute, se révèle très vite manipulateur.
Outre le drame personnel que traverse cette famille, le film invite le spectateur à s’interroger sur ce que la société projette sur l’entourage des criminels. Dès le secret percé, la vindicte populaire ne tarde pas à se mettre en place, rouleau compresseur qui n’épargne en rien les enfants. Une strate supplémentaire qui s’ajoute à la douleur et à l’horreur à laquelle la famille est confrontée.
Du côté du casting, le jeune acteur Yanis Frish, dont il s’agit du premier rôle, est très juste dans son interprétation tout en retenue et intériorité. Laurent Capelluto, quant à lui, endosse sans mal le rôle du pervers manipulateur qui souhaite se racheter aux yeux de son fils.
Tout en pudeur, puisqu’il ne confronte jamais directement le spectateur aux raisons de l’emprisonnement du père, le film traduit toute la tension ressentie par les différents personnages. Sans sensiblerie mais en adoptant un point de vue profondément humain, Vivian Goffette propose au spectateur d’assister au cheminement, souvent dur mais nécessaire, de Lucien dans sa quête de filiation.
Vanessa Pitaels
(1)Interview de Vivian Goffette par Christine Pinchart, RTBF, 5 octobre 2023 - https://www.rtbf.be/article/les-poings-serres-du-luxembourgeois-vivian-goffette-en-avant-premiere-au-fiff-a-namur-11266907