LET’S GET LOST

La sortie restaurée de ce petit bijou documentaire qu’est « Let’s Get Lost », du photographe et réalisateur Bruce Weber, nous redonne l’occasion de se plonger dans la vie fulgurante et tragique de Chet Baker, trompettiste virtuose et figure majeure du jazz.

Loin de la simple biographie musicale, le film dévoile un portrait complexe, magnifiquement filmé, d’un homme à la fois séduisant et ravagé. À travers une série de témoignages d’amis, de musiciens, de membres de sa famille et d’images d’archives, « Let’s Get Lost » nous entraîne dans le tourbillon de l’existence de Chet Baker, des États-Unis à l’Europe, des années 50 à la fin des années 80, où l’artiste se livre à une dernière interview.
Chet Baker, c’est le don naturel de faire vibrer sa trompette aux rythmes endiablés de la vie, tout en joies et en douleurs. Chet Baker, c’est aussi une voix d’ange, incroyablement douce et terriblement touchante. Homme sublime et captivant, toujours entouré de femmes magnifiques, à bord d’une Cadillac qu’il ne peut se payer, Chet savait très bien comment se perdre. Et cette tension est là, visible au coin de sa bouche, ce rictus tel une grimace, semble nous avertir que la beauté est une arme à double tranchant. Chet est un homme splendide et défiguré en même temps.
Les images somptueuses en velours noir et blanc étincelant confèrent une dimension cinématographique à la vie de Chet, où chaque instant apparaît comme une scène volée à un film noir, à la lisière entre la gloire et la déchéance. Le film ne cache pas la part ténébreuse de l’homme, ses excès de drogue, la violence, la décadence, car Chet incarne à la fois le charme et le désespoir.
L’amour et la fascination de Bruce Weber pour cet artiste hors du commun est palpable dans ce film qu’il lui dédie. « Let’s Get Lost » cherche à capter cette âme fuyante, toujours en mouvement, comète éblouissante qui aura gravé à jamais l’univers étoilé du monde du jazz.

Luz