A méditer
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LOURDES

Jessica Hausner (Autriche/France 2008)

Sylvie Testud, Lea Seydoux, Elina Löwensohn, Bruno Todeschini

96 min.
17 novembre 2010
LOURDES

Jessica Haussner nous a habitués à son intelligente maîtrise des trois ressorts de l’art cinématographique que sont le cadrage, le son et le montage.

Dans « Lovely Rita » elle impressionnait par sa vision décapante des rapports qu’entretient une jeune adolescente avec son entourage. Vision acérée pour certains a-émotionnelle et pour d’autres puissant réservoir de ressentis suggérés plutôt qu’explicités.

Dans « Hôtel », elle choisit d’envoûter le spectateur en lui proposant un itinéraire (parfois un peu trop systématique) à travers des couloirs anxiogènes (« Shining » de Kubrick) dans lesquels il est conduit à projeter ses propres peurs. L’éventail de celles-ci allant de la crainte de s’ennuyer au refoulement sexuel en passant par la difficulté à saisir la somme de complexités qui nous constitue.

 

Dans « Lourdes » le propos est ailleurs. Ailleurs mais tout aussi radical.

Christine est une jeune femme atteinte de la sclérose en plaques. Elle se rend à Lourdes, espérant moins un miracle qu’une occasion de rencontrer des gens. Pourtant le miracle semble avoir lieu. Divisant l’entourage en deux clans : les réjouis et les jaloux.

En parallèle à la question de savoir si ce miracle est définitif ou un moment inexplicable de rémission, la réalisatrice s’interroge sur l’arbitraire d’une vie qui décide en aveugle des guérisons, des maladies et des handicaps.

 

L’être humain peut-il changer quelque chose à cette injustice ou ne lui reste-t-il face à elle qu’à se résigner à l’espérance de jours meilleurs ?

Il y a quelque chose de l’esprit janséniste dans cette œuvre subtil et forte : les aléas de l’existence, comme la grâce, ne sont pas équitablement distribués.

Film sur les mystères de la vie, définitivement impénétrables par les mortels mais aussi film qui interroge la notion même d’envie et d’aspiration au bonheur malgré tout, « Lourdes » est superbement porté par une Sylvie Testud qui, quoique nous soyons depuis longtemps habitués - dès 1998 avec « Karnaval » (*) à l’ampleur de son talent, arrive encore à nous épater par l’humble intensité avec laquelle elle incarne, intuitive et réfléchie, son personnage.

Jessica Hausner, disciple en rigueur scénographique et cruauté morale de Michael Haneke dont elle a été l’assistante sur le premier « Funny games », signe un film troublant et foisonnant.

Nous conviant à nous pencher sur les capillaires secrets et obscurs qui irriguent nos vies.

Et en font des aventures en déséquilibre permanent pour lesquelles Dieu n’a pas nécessairement dans sa poche les réponses miséricordieuses souhaitées.

Moins spectaculairement iconoclaste que le regard de Jean-Pierre Mocky sur les pèlerins en route vers la terre promise des Pyrénées dans son film « Le miraculé », celui de Jessica Hausner ne manque néanmoins pas de piquant luciférien.

Ce qui rend incompréhensible le temps mis par ce film projeté à la Biennale de Venise en 2009 à sortir sur nos écrans.

On frémit à l’idée qu’il serait resté dans les cartons des « injustifiablement oubliés » du 7ème art si depuis cette fin d’été la saga « Monseigneur Léonard » n’avait été la plus sérieuse concurrente à celle de l’héritière de l’Oréal. Madame Bettencourt.  (mca)
 
(*) de Thomas Vincent