Documentaire
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MANNEKEN PIS, L’ENFANT QUI PLEUT

Anne Lévy-Morelle (Belgique 2008 - distributeur : Cinéart)

La voix de la réalisatrice

95 min.
18 juin 2008
MANNEKEN PIS, L'ENFANT QUI PLEUT

Après avoir raconté l’histoire d’un homme s’expatriant avec toute sa famille à l’autre bout du monde [1] et avoir tenté de montrer comment on peut traverser les murs dans l’univers clos de l’hôpital Saint Pierre [2] , Anne Lévy-Morelle nous propose avec son troisième long métrage documentaire de pénétrer l’imaginaire de Bruxelles.

Partant de la question posée à une série de personnes de savoir s’ils sont fiers être bruxellois, la réalisatrice belge s’interroge sur l’identité bruxelloise au travers d’un double trajet.

D’une part, elle retrace l’histoire de la Grand Place, examinant le processus qui l’a amenée à arborer une telle diversité architecturale. D’autre part, elle sonde la popularité de Manneken Pis, petit homme se tenant non loin de la place, devenu mascotte de Bruxelles.

Ces deux axes de narration s’entremêlent et s’interconnectent pour aboutir à une réflexion sur la capitale actuelle, composite bigarré comprenant une multitude de cultures, se posant comme centre à la fois géographique et météorologique.

Interrogation ludique portée à la personnalité bruxelloise, « Manneken Pis,… » mobilise une diversité de typologies d’images pour avancer dans son récit. Ce sont autant des interviews en face caméra, des suivis de personnes au travers de la place, des plans larges de Bruxelles que des mises en scènes de la fontaine dans diverses situations qui sont mis en présence dans ce film.

Documentaire patchwork, on y trouve des réflexions de type historique, des témoignages de résidents du quartier comme des chansons d’une chorale zinneke.

Cet entremêlement de typologies d’images et de catégories représentationnelles est à l’image du portrait que dresse la réalisatrice de Bruxelles. Elle nous offre sa vision de la capitale, « ville très moche avec des splendeurs » [3], avec comme base ontologique le compromis et comme qualité essentielle la force de ne pas se prendre au sérieux.

Si cette représentation séduit par son originalité et son aspect dynamique, il faut avouer qu’il est parfois difficile de suivre le cheminement que trace la réalisatrice avec ce documentaire, tant il touche à des mondes multiples et à des dimensions diverses.

Certains se plaindront de cette diversité dans un film estampillé sur Bruxelles, d’autres n’y sentiront qu’un aspect parmi tant d’autres. Qu’à cela ne tienne.

Ce documentaire a le mérite de ne pas se focaliser sur un sujet pointu, mais au contraire de s’éclater en une pluralité d’intérêts. Chacun pourra donc y découvrir sa propre entrée, y creuser son propre chemin. 

Multiculturelle et foncièrement irrévérencieuse, à l’instar de sa mascotte urinant aux yeux de tous, Bruxelles est ici montrée comme un lieu de croisement, dont les multiples parcelles ne s’assemblent pas dans un tout homogène, mais dans un kaléidoscope multicolore.

Si ce film est moins touchant que le précédent, sans doute parce qu’il traite d’un sujet plus léger, d’un univers moins lourd que l’hôpital, cette épopée authentique [4] reste néanmoins un documentaire attachant et intéressant. (Justine Gustin) 

[1] « Le rêve de Gabriel » 1997.
[2] « Sur la pointe du cœur » 2001.
[3] Citation extraite du film.
[4] Tout comme c’était le cas de ses deux premières réalisations, ce nouveau film d’Anne Lévy-Morelle s’inscrit dans ce qu’elle appelle la catégorie de l’épopée authentique, à savoir une façon d’appréhender le documentaire de manière atypique. Il s’agit de créer des films caractérisés par la présence d’une dimension collective, mais aussi d’une dimension de transcendance. Pour ceux qui on envie d’en savoir plus sur cette notion originale d’ " épopée authentique", un entretien accordé par la réalisatrice à CinéFemme est repris sur ce site en onglet "interviews".