Policier
1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s)

MR 73

Olivier Marchal (France 2008 - distributeur : Les films de l'Elysée)

Olivia Bonamy, Daniel Auteuil, Philippe Nahon

124 min.
19 mars 2008
MR 73

Comme chacun sait rien n’est plus regrettable qu’une absence de point de vue imprimée par le réalisateur à son film.

Lorsque cette empreinte existe, rien pourtant n’est joué. Puisque celle-ci est elle-même créatrice d’un risque : celui de déterminer ou pas l’envie du spectateur de « sauter » dans l’imaginaire déployé sous les yeux.

En fait d’imaginaire, il s’agit dans « MR73 » à partir d’un sordide fait divers de dessiner le portrait d’un policier qui se charge de veiller à la protection d’une jeune femme, témoin du massacre de ses parents, lorsqu’elle apprend que leur assassin est sorti de prison.

Marchal ne travaille pas avec des gants de velours mais au marteau piqueur. C’est avec des bottes d’égoutier qu’il descend dans le sordide des situations et le noir de la nature humaine crucifiée entre désespoir, fragilité et autodestruction.

Le tueur en série a, de nos jours, la cote qu’avait le braqueur de banques dans les polars français des années 1960/1970. Il en est de même des policiers que les hommes de plume et de caméra (*) aiment à présenter comme fatigués, alcooliques, en butte à un univers privé plombé de solitude et à un milieu professionnel gangrené par la corruption et l’absence d’humanité.

C’est avec une emphase qui frise la complaisance et un sens du lyrisme toujours déplacé lorsqu’il évoque l’horreur qu’Olivier Marchal sacrifie à cette mode du « tout-noir-tout-moche-tout-foutu ».

Sous son regard, le mot suggestion est pulvérisé au profit de celui d’une illustration bien appuyée et répétée - comme s’il craignait de ne pas être compris. Ou de ne pas être à la hauteur d’un certain degré d’immonde qui se doit de contaminer le polar contemporain ?

Jeu ou ruse de cinéaste qui privilégie au déroulement d’une intrigue une descente lancinante, entêtante, glauque dans un abîme tapissé d’abjection et de douleur sans consolation.

Marchal (me) rend perplexe. Son cinéma est tellement grevé de rancœurs et de tourments qu’on se demande à quoi rime cette explosion de souffrance ? Elle ne fera en rien reculer la criminalité et elle ne fera en rien progresser l’avancée vers un monde plus équilibré.

« MR73 » (**) ne serait-il que l’arme choisie par le cinéaste - depuis qu’il a rengainé le revolver Manurhin 73 du temps (***) où il travaillait dans la police - pour exorciser des cauchemars personnels ? Tenter de mettre à distance un trop lourd passé de flic ? Tenir en respect un tempérament profondément dépressif ?

Sans avoir aucune sympathie pour les policiers policés et trop honnêtes pour être efficaces des feuilletons prime time (****) on peut très bien n’avoir aussi aucun intérêt pour cette déclinaison suffocante d’un drame auquel une narration plus retenue eut amplement suffi.

En rajouter est lui enlever toute crédibilité. Et créer à sa place un espace factice dans lequel les éclairages inexistants, les décors glaçants et les acteurs bonimenteurs - avec un Daniel Auteuil
qui en homme d’honneur blessé et brisé ne réussit que l’exploit d’un excès d’intériorité hagarde - tuent toute épaisseur.

La lecture du générique final après 124 minutes d’un festival agencé d’agaçantes mômeries est le seul happy end d’un film dont la clôture sur la naissance d’un bébé est à la mesure de l’ensemble : pesamment démonstratif. Voire grotesque. (m.c.a)

(*) « Natural born killers » d’Oliver Stone, « The silence of the lambs » de Jonathan Demme

(*) David Peace "Tokyo année zéro" éd. Rivages, Henning Mankell "Meurtriers sans visage" en poche Points, « Bad lieutenant » d’Abel Ferrara …

(**) titre cursif et mystérieux comme celui de "Police Python 357" d’Alain Corneau ou "Winchester 73" d’Anthony Mann pour qui a peu de connaissance dans la gamme infinie du matériel à tuer

(***) de 1979 à 1982 dont plusieurs années en brigade de nuit. Expérience dont il s’est servi pour créer, avec Mathieu Fabiani, la série télévisée de qualité +++ « Central nuit » dans laquelle a débuté Clovis Cornillac et été ressuscité Michel Creton

(****) « Navarro », « Julie Lescaut », ….