3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Piccolo corpo

Laura Samani

Celeste Cescutti, Ondina Quadri

89 min.
27 juillet 2022
Piccolo corpo

Au début du XXe siècle, dans un village de pêcheurs du nord-est de l’Italie, Agata accouche d’un enfant mort-né. Selon la tradition catholique, la petite fille ne peut être baptisée et son âme est condamnée à errer éternellement dans les limbes. Effondrée, la jeune femme ne peut se résigner à se séparer ainsi de l’enfant qu’elle a porté pendant des mois. Lorsqu’elle entend parler d’un sanctuaire dans les montagnes où les enfants seraient ramenés à la vie, le temps d’un souffle, suffisant pour les baptiser, leur donner un nom et une sépulture afin qu’ils puissent trouver la paix dans l’au-delà, elle décide d’y aller. Seule, avec le petit corps inerte enfermé dans une boîte, Agata se lance dans un voyage périlleux, à la recherche du miracle.

Pour son premier long-métrage, la réalisatrice, Laura Samani, rend hommage aux paysages et aux dialectes de son enfance, le Frioul-Vénétie Julienne, d’où vient également la légende des sanctuaires du souffle qui auraient existés jusqu’au XIXe siècle. Interpellée par ces récits où il est toujours question d’hommes qui effectuent le voyage, la cinéaste a voulu donner la place aux mères d’enfants morts-nés, à leur vécu, à leur souffrance et à leur témérité.
C’est ainsi qu’est né « Piccolo corpo » (petit corps).

Dès la première scène du film, nous pénétrons un monde mythologique, imprégné de croyances, tant religieuses que païennes, de rites ancestraux et autres superstitions locales. Au-delà de l’étrangeté qui se dégage de la vie à cette époque et à cet endroit, la force du film réside dans une atmosphère digne d’un conte des frères Grimm. N’étant pas croyante elle-même, mais ayant grandi avec la culture chrétienne, Laura Samani évoque le fait que les contes de fées ainsi que les récits de l’Ancien Testament peuvent être terrifiants, mais que c’est justement cet aspect-là qui permet d’appréhender la vie et ses difficultés.

Grâce à ce mélange de récits qui l’ont bercée, la cinéaste à su créer sa propre fable à la fois noire et merveilleuse. « Piccolo corpo » est un voyage entre la vie et la mort, celui d’une femme qui cherche à se libérer, qui doit se détacher de ce petit corps en le délivrant à son tour. Agata aura un compagnon de route, le Lynx, personnage asexué aux yeux presque trop bleus pour être réels.
Sans le savoir, peut-être que leur route est celle de la rédemption.

La beauté des paysages est sublimée par une mise en scène assez froide et naturelle, une sorte de somptuosité qui peut faire penser aux films de Tarkovski. Laura Samani s’est fortement inspirée des tableaux du peintre symboliste Giovanni Sagantini. Si l’image invite à un voyage spirituel, la bande son s’incorpore fluidement et renforce encore cet aspect. La musique joue avec une berceuse d’une fragile nostalgie qui vient percer la grâce virginale d’une nature sauvage.

Une invitation au voyage dans un monde primordial, irréel, et appelant à la transcendance
Islin-Lucrezia De Fraye