Plastic is everywhere. Plastic is mortifère.
Alarmistes, millénaristes et anxieux de tout poil voilà une raison de vous réjouir. Werner Boote, cinéaste documentaliste autrichien et militant, vous apporte après Coline Serreau, Yann Arthus-Bertrand et Erwin Wagenhofer (*) un nouvel os à ranger.
Une nouvelle occasion de vous dire que tout est foutu : la terre, les mers et les humains.
La terre parce qu’elle suffoque sous les déchets plastifiés, les mers parce que les matières synthétiques les assèchent lentement et les humains parce que boostés au Bisphénol A, ils sont condamnés aux supplices de l’infertilité et des cancers.
Evidemment les problèmes épinglés par le réalisateur méritent qu’on y réfléchisse mais fallait-il pour autant les traiter avec une hargne et un sens de la mélodramatisation qui finissent par mettre mal à l’aise.
Et, pour éviter la strangulation par excès de didactisme alarmiste, d’être tenté de hausser avec fatalité les épaules. Alors qu’un sentiment de curiosité empathique nous envahissait lorsque dans « La classe ouvrière va au Paradis » (**) d’Elio Petri, Lulu Massa - un remarquable Gian Maria Volonté - ouvrier à la chaîne exprimait son désarroi et son aliénation en massacrant les objets, la plupart en matière synthétique, qui l’entouraient.
Si dans « Plastic… » la planète est contaminée par l’organique, le cinéaste lui l’est par les méthodes de travail les plus douteuses de la Michaël Moore : approche manipulatrice des intervenants, omniprésence du cinéaste à l’écran, présentation de celui-ci en Zorro de la polémique, addiction facile à la provocation, mélange foutraque d’anecdotes et de statistiques accablantes, volonté sous-jacente de culpabiliser …
Les quelques bonnes idées de mise en scène, le côté bourlingueur de la démonstration - on passe de la Chine, au Maroc, de l’Ouganda à la Grande-Bretagne -, l’entrain parfois ironique avec lequel le réalisateur essaie de nous interpeller, s’ils peuvent suffire à renforcer les consciences déjà éveillées, ne suffiront pas à allumer celles dont le scepticisme est soit rétif à une longue enfilade de chiffres - 675 tonnes d’ordures jetées toutes les heures dans les océans, seul 1% des 14 millions de tonnes annuelles de polystyrènes est recyclé ….
Soit sensible à la nécessaire mise en balance des enjeux économiques, sociaux - plus d’un million d’Européens travaillent pour l’industrie plastique - et écologiques.
Film qui se veut certainement engagé et qui finalement décourage l’attention de ceux qui le regardent, « Plastic planet » par l’agitation vibrionnante de son réalisateur et son parti pris apocalyptique donne envie, comme la musique Wagner donnait à Woody Allen l’idée envahir la Pologne, de se ruer sur l’achat inutile.
D’un... objet en plastique
Pour ceux qui veulent prolonger la réflexion suscitée par « Plastic … » Actes Sud, dans sa collection Sciences humaines/ questions de société a publié le livre co-écrit sur le sujet par Werner Boote et Gerhard Pretting. (mca)
(*) respectivement dans "Solutions globales", "Home" et "We feed the world". Films certes édifiants mais moins démoralisants que "Plastic...". Parce que, s’ils pointaient les dégâts présents, ils insistaient aussi sur le fait que ceux-ci étaient réparables.
(**) La Palme d’or au Festival de Cannes 1972