Catherine Deneuve, Karin Viard, Judith Godrèche, Gérard Depardieu, Fabrice Luchini,
Jéremie Renier
Bingo !
Voilà un film délicieusement ludique qui doit beaucoup à la capacité de son metteur en scène d’assouplir la théâtralité d’un propos (*) par la drôlerie de ses acteurs tous épatants. Même si le jeu de certains d’entre eux (Fabrice Luchini en odieux machiste) flirte avec le numéro de cirque.
Voici une « Potiche » percolante et charmante que l’on n’a pas envie d’enfouir au fond d’un placard mais que l’on souhaite garder à portée d’yeux parce qu’elle infuse et diffuse de bien sympathiques vibrations.
Des vibrations qui mettent de bonne humeur, rendent allègre et installent sur les lèvres un sourire. Spontané, complice, dépourvu d’ironie mais non pas de malice.
De quoi parle « Potiche » ?
De l’ascension d’une femme. De la découverte par une quinquagénaire de province installée dans ses confitures et ses habitudes qu’elle peut être sortir de son cadre confortable mais asphyxiant de « bourgeoise au foyer ».
Etre brillante, indispensable à la bonne marche d’une entreprise et capable d’assumer des tâches pour lesquelles elle se croyait, parce qu’on le lui a dit et répété, indestinée.
Catherine Deneuve instille à cette « potiche - bonniche » (**) une cocasserie inattendue de ceux qui s’obstinent à ne voir en elle qu’une actrice distante mais soupçonnée de ceux, et ils sont nombreux, qui savent que son esprit libre et « rock-en-roll » peut tout jouer.
Comment, elle qui rappelle dans son entretien avec Arnaud Desplechin (***), qu’elle a joué les « aveugle, amputée, muette, vampire, meurtrière, mère de famille, fille-mère, lesbienne, alcoolique, voleuse » aurait-elle pu résister à cette facétie « ozonienne » ?
Qui lui permet de laisser transparaître une « vis comica », ce plus intime et jubilatoire des stars glamours - Marylin Monroë, Arielle Dombasle - dont l’affûtage a commencé pour elle il y a longtemps déjà avec Jean-Paul Rappenau (« La vie de château », « Le sauvage ») et s’est réveillé grâce à Gabriel Aghion (« Belle-maman ») et Valérie Lemercier (« Palais royal »).
« Potiche » n’est pas qu’une fantaisie cinématographique, c’est aussi un regard sur deux guerres souvent entremêlées : celle des sexes et celle des classes sociales.
Un regard aussi sur les différences ténues entre la France sarkozyste et la France giscardienne - « Potiche » se situe à la fin des années mille neuf cent septante - amenant à se questionner sur le sens du mot progrès en politique.
Sans jamais s’appesantir mais avec une douce et enjouée patience, le réalisateur laisse entendre que, dans les situations délicates, la femme serait l’avenir de l’homme.
Quant à Catherine Deneuve, elle reste malgré ses 40 ans de carrière, l’avenir du cinéma français (et pourquoi pas du cinéma tout court).
Il suffit pour s’en convaincre de se souvenir que, lorsqu’elle danse avec Gérard Depardieu qu’elle retrouve ici pour la 7ème fois, la priorité de son regard n’est pas tournée vers son partenaire.
Mais vers la camera. Qui fut et est sans doute « sa plus belle histoire d’amour ». (mca)
(*) le film est une adaptation de la pièce de Barillet et Grédy créée pour mettre en valeur les pétillantes vitalité et indépendance d’esprit de Jacqueline Maillan
(**) allusion au livre de Claude Alzon, best seller féministe des années 1980 « La femme bonniche et la femme potiche » aux éditions La Découverte, collection Maspero.
(**) « Une certaine lenteur » paru aux éditions Rivages poche