Sandra Hüller, Burghrat Klaussner, Imogen Kogge
« Requiem » est un étonnant instantané d’une famille enfermée sur elle-même et ses croyances religieuses.
L’Allemagne des années mil neuf cent septante, non pas celle urbaine et anarchiste de la Bande à Baader mais celle rurale des petits villages du Bade-Wurtemberg, accrochée au plus dangereux des intégrismes, celui d’une religion encore médiévale qui réserve à l’œuvre du Diable une part aussi grande qu’à celle de Dieu.
Michaela, 21 ans, part à Tübingen pour y suivre une formation d’institutrice. Confrontée à la grande ville et à ses opportunités de liberté, elle est incapable de s’émanciper de ses carcans d’éducation mystique et de l’emprise d’une mère qui n’a jamais su (pu ?) l’aimer.
Sujette à différents malaises - crises d’épilepsie, paralysie motrice comme l’une des premières patientes de Freud, Dora, voix qui la torturent, désarroi devant toute situation stressante -, la jeune femme refuse tout traitement médical, choisissant de sombrer, sous le regard impuissant de ses amis, dans un délire psychotique.
Elle mourra d’épuisement après avoir subi maintes tentatives d’exorcisme menées par un prêtre animé de la même violence aveugle que celle du Père Barre (époustouflant Michael Gothard ) dans « The devils » de Ken Russell.
La force de « Requiem » bien que moins convulsive que celle de « The Devils » est tout aussi magnétique parce qu’elle retrace, sur un mode froid et implacable rendu par des cadrages millimétrés, le tourbillon qui entraîne Michaela, dans le puits d’une psychose dont on ne revient pas.
Sa puissance est d’avoir justement placé sa confiance dans une jeune actrice, Sandra Hüller, pour incarner cette entrée dans la maladie mentale. Elle y est bouleversante de douceur et de virulence alternées, méritant à tous égards la récompense attribuée lors du dernier festival de Berlin, celle de la meilleure actrice de l’année
Non seulement « Requiem » pourrait figurer, à titre de témoin à charge, dans le « Traité d’athéologie » de Michel Onfray, mais sa véracité - le film inspiré d’un fait divers qui ébranla la RDA en 1976 mélange à parts harmonieuses la fiction et le documentaire - lui permet de trouver sa place à côté des œuvres de ceux qui ont réfléchi (*) au rôle destructurant de la foi religieuse lorsqu’elle s’inscrit dans un cadre plus proche de la violence du « Dies Irae » que de la béatitude du « Sanctus », ces deux principaux arias du Requiem de Mozart. (m.c.a)
(*) « Les indomptables » de Caroline Eliacheff et Ginette Rimbault aux ed.Odile Jacob, « L’anorexie sainte » de Rudolph M. Bell aux PUF