Comédie dramatique
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ROMAN DE GARE

Claude Lelouch (France 2007 - distributeur : Les Films de l'Elysée)

Fanny Ardant, Audrey Dana, Dominique Pinon

105 min.
4 juillet 2007
ROMAN DE GARE

Si le roman populaire se définit par le nombre de ses lecteurs, le film populaire par celui de ses entrées, le roman de gare se caractérise par ses histoires invraisemblables et son écriture dépourvue de style.

Après avoir été, dans les années septante, un faiseur de bons films populaires (*), Lelouch a perdu une partie de son public, lassé sans doute par sa grandiloquence et ses narrations hâtivement ficelées qui ressemblaient à des « films de gare ».

Même ses plus fidèles défenseurs, au nom de la thèse du « ce n’est pas parce qu’un film est raté qu’on ne doit pas le regarder » ont réservé à sa dernière production, « Le courage d’aimer », le sort qu’elle méritait : le désintérêt absolu.

Se remettre de ce flop n’a pas dû être chose facile, mais agrippé à sa passion pour le 7ème art et à une envie de mystifier public et critique (**), il a repris son bâton de réalisateur pour nous proposer un film hybride qui tangue entre le polar et la romance.

Huguette est abandonnée par son fiancé sur le macadam d’un garage d’autoroute. Elle propose à un inconnu de jouer le rôle de son petit ami, le temps d’un week-end. Qui est cet étranger ? Un tueur en série en cavale, un homme qui vient de quitter femme et enfants ou le nègre d’un auteur de best sellers ?

Après une vingtaine de minutes plutôt calamiteuses dues à une lente installation du dispositif narratif, à des dialogues frizzotants et à un duo d’acteurs Pinon (dont la tendresse maladroite rappelle Ticky Holgado)/Dana qui laisse peu de place à Fanny Ardant, « Roman … » démarre. Une atmosphère s’installe, Madame Ardant trouve son espace et une réflexion intéressante sur le besoin de reconnaissance pointe le bout du nez.

Les films qui parlent des difficultés de la création littéraire et des malsaines manipulations auxquelles elle peut amener ne sont pas légions. Bernard Rapp dans son premier long métrage « Tiré à part », servi par deux acteurs d’exception -Terence Stamp et Daniel Auteuil - abordait avec intelligence le désir de vengeance d’un auteur plagié. Lelouch, avec moins de perspicacité mais plus de roublardise, traite de la révolte d’un nègre d’une écrivaine à succès.

Quarante ans après « Un homme et une femme », en même temps que la courte commande de 3 minutes pour commémorer en compagnie de 33 confrères et 1 consœur (bonjour la parité…) sur le thème imposé de « La salle de cinéma », les soixante ans du festival de Cannes, « Roman … » rappelle que Lelouch est un sentimental intéressé par les relations humaines puzzlées dans des milieux sociaux différents.

Ces aptitudes, lorsqu’il les décline, sans pédanterie (accordons lui le crédit que son allusion à Vautrin et Rastignac est justifiée par l’histoire), avec ce sens palpable du plaisir à tenir une camera, sont celles de ces écrivains dont on achète, dans une gare ou un aéroport, un livre avant le voyage sous le prétexte d’éviter l’ennui du déplacement.

Il arrive que leur lecture réserve un bon moment et même parfois des rires sous cape devant certaines extravagances de l’intrigue. Tout comme il pourra vous arriver de trouver un charme inattendu à ce Lelouch joyeusement secoué par la voix chaleureuse en entraînante de Gilbert Bécaud. (m.c.a)

(*) « La bonne année », « Le voyou »….
(**) Lelouch a fait semblant, au début du tournage, de n’être que le producteur de « Roman… »,
le cinéaste en étant fictivement son ami Hervé Picard.