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SANS FRAPPER

Alexe Poukine
85 min.
18 septembre 2019
SANS FRAPPER

« Tout le monde sait ce que c’est » et « on en parle déjà assez ».
Entendre plutôt qu’écouter.
Relativiser plutôt qu’accuser.
L’insupportable mot « viol » est réfuté, peu reconnu ou partagé.

Un viol a plusieurs visages et plusieurs nuances.
Dès lors, Alexe Poukine choisit de faire résonner l’histoire d’Ada dans un monologue incarné plusieurs fois. Actrices, acteurs, personnages et victimes prennent sa voix.
Ada est plus qu’un témoignage, elle accompagne leur délivrance.

Tour à tour, les protagonistes rejouent sa plainte pour viol, déposée 10 ans plus tard après les faits, pour comprendre l’incompréhensible, pour revivre et partager sa douleur.
Ils rapprochent leurs agressions sexuelles de la sienne afin qu’aucune ne soit isolée.
Ainsi, ils diminuent la distance entre pairs qu’impose cette expérience terrible.
Ensemble, ils luttent pour ne plus se sentir fous mais engagés dans une tragédie globale.
Ensemble, ils se reconnaissent et #metoo.

Ada traverse ses interprètes tantôt honteux, tantôt sceptiques et bientôt l’écho de nos propres maux. Parce qu’on ne sera jamais à la place d’une victime de viol, nous ne mesurons pas la force violente et inévitable de l’agression. Parce qu’au delà des meurtrissures, les vraies marques de ce crime sont invisibles, nous peinons à l’identifier. Reconnaître le viol, c’est en accepter les séquelles et les débilités de son parcours juridique. C’est voir les diverses formes de son existence et exposer ses racines profondes. C’est constater son emprise sur le monde.

Complexe et sans tabou, « Sans frapper » démêle une pelote de traumatismes pour tricoter une couverture de réconfort. « Sans frapper » crée l’espace nécessaire rempli de confiance qui aide à l’émergence de la parole contre le viol. « Sans frapper » n’entre pas, il ouvre juste une porte.

(Jessica Riga)