John Hurt, Hugh Dancy
Il ne faut jamais hésiter à dénoncer, au risque de se répéter, des événements dont la violence a secoué le monde.
Ainsi même si le printemps de 1994 qui a vu le Rwanda se transformer en charnier suite au massacre de centaines de milliers de Tutsis par les Hutus a déjà fait l’objet d’un bon film « Hotel Rwanda » et de différents documentaires - notamment ceux de Marie-France Collard et de Bernard Bellefroid - « Shooting dogs » est une oeuvre nécessaire.
Parce qu’il est un film grand public qui peut toucher des spectateurs rebutés par la connotation « intellectuelle » du genre documentaire et parce qu’il a été tourné sur les lieux du drame avec des survivants de celui-ci - ce qui lui confère un certain cachet d’authenticité.
« Shooting dogs » réussit le délicat pari de rendre le terrible d’un réel en ne tombant pas dans le piège d’une dramaturgie exagérément émotionnelle.
Le choix du réalisateur de cantonner le drame à un lieu clos, celui de l’Ecole Technique Officielle de Kigali, y est pour beaucoup.
En effet cette contention spatiale permet au drame de ne pas se diluer dans un spécieux débat politique tout en abordant le problème duel de la responsabilité / culpabilité des Occidentaux et en soulignant qu’il existe toujours, même dans les pires horreurs, des hommes de bonne volonté pour tenter d’aider leurs prochains.
Le film a été produit par David Belton, un ancien journaliste de la BBC, pour rendre hommage à celui qui l’avait protégé en 1994 des menaces Hutus à savoir Vijko Curic, un des rares prêtres à être resté sur place durant tout le génocide et ce au péril de sa propre vie.
John Hurt interprète cet homme d’Eglise avec une sobriété qui évite les dangereux écueils du
pathos et de la démonstration religieuse appuyée.
On peut regretter que de ci de là les dialogues soient bitumés d’un ton inutilement doctrinal et emprunté mais il est difficile, reconnaissons-le, de raconter l’atroce avec un ton qui sonne à 100% juste tant il existe un abîme entre le fait de représenter une horreur et celui de la vivre .
Ce ton serait-il plus aisément atteint si l’Histoire était contée et mise en scène exclusivement par des Rwandais ? La question trouvera sans doute réponse un jour.
« Shooting dogs » n’est pas un film qui porte des jugements définitifs sur ce qui s’est passé, il
ouvre une réflexion sur l’impuissance de l’ONU (pouvant tirer sur les chiens mais pas sur les génocidaires) et l’incapacité des politiques à agir, hier, en Afrique tout comme il semble l’être aujourd’hui en Irak, en Afghanistan et dans tant d’autres lieux du monde.
Ce qui n’incite pas à poser sur le monde un regard de confiance ou d’espoir. (m.c.a)