Drame social
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STARRED UP

David Mackenzie

Jack O’Connell, Ben Mendelsohn, Rupert Friend

106 min.
4 juin 2014
STARRED UP

Eric (Jack
O’Connell) est un jeune délinquant extrêmement violent. En raison de son
agressivité hors normes, il est transféré vers une prison pour adultes. Outre
la lutte qu’il mène pour s’affirmer face aux autres détenus et aux
surveillants, il doit également se mesurer à son père, Nève (Ben Mendelsohn), lequel a passé la majeure
partie de sa vie derrière les barreaux. Afin de canaliser sa rage, Eric est
amené, avec d’autres prisonniers, à rejoindre un groupe thérapeutique dirigé
par un psychologue bénévole, qui croit en la possibilité d’un chemin vers la
rédemption.

 

La violence est au
cœur de ce film criant de vérité. Pourtant, en dépit de sa récurrence, celle-ci
n’est jamais glorifiée. En jouant la carte du réalisme, David MacKenzie s’abstient
de la légitimer : il l’explore socialement avec une grande acuité et tente
de la décrypter psychologiquement. L’absence d’une recherche esthétisée de la
violence mérite d’être soulignée car la recherche plastique dont certains films
ont fait récemment preuve ( Only God forgives , pour ne citer que
celui-là) dans leur approche de la cruauté, portaient trop souvent à minimiser ses
impacts. De la même manière, Starred up ne cherche pas à dénoncer la
violence par la violence (comme ce fut le cas dans Natural Born Killers )
et ne prend nullement le risque pervers de banaliser ou de justifier la
brutalité humaine en mettant à nu les ressorts à partir desquels elle se
développe. La dureté du milieu carcéral, les rouages écrasants d’une maison
d’arrêt dans ses codes tacites et ses règles implicites, les rapports de force
qui se créent entre détenus et avec les matons… sont exploités avec une absence
totale d’artifices, ce qui confère à ce film britannique une authenticité remarquable
et crée un climat de tension permanent.

 

Starred up ne se limite
toutefois pas à une infiltration cinématographique dans l’univers clos d’une
prison. La relation tendue et conflictuelle qu’entretient Eric (brillantissime
Jack O’Connell) avec son père constitue l’une des forces émotionnelles du film,
sans que, là aussi, un quelconque édulcorant ne soit ajouté. L’originalité du
scénario tient également à l’approche thérapeutique qui est mise en place au
sein de la prison, et qui ne repose pas sur une bonne intention tenant de la
chimère. Jonathan Asser, poète et
scénariste de Starred up , a réellement mis à l’épreuve une technique
thérapeutique dans la prison pour mineurs de Feltham. En mettant en présence
des jeunes délinquants particulièrement violents, il développa une approche de
groupe où la confrontation était autorisée, puis désamorcée. En fonctionnant à
l’envers de la pratique carcérale conventionnelle qui consiste à séparer ou
isoler les détenus violents, Jonathan Asser les a réunis, a exacerbé les
possibilités de conflits avant de les enrayer afin que, sur le long terme, le
vivre ensemble soit plus serein. Au fil de son expérience, Asser identifia les
racines de la violence comme étant la honte, la perte de statut social et la
diminution ou l’absence de sentiment d’appartenance. 

 

Starred up n’est donc pas un
énième film sur le milieu carcéral mais déverrouille les portes de nos aveuglements
et remet en liberté des pensées trop souvent emmurées par des a priori. « Les yeux des autres sont nos prisons,
leurs pensées sont nos cages. » dénonçait Virginia Woollf dans La mort
de la phalène
. Mais qui en
ferme la porte et en détient la clé ? 

 

( Christie Huysmans )