Chronique dramatique
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STILL LIFE

Jia Zhang-Ke (Chine 2006 - distributeur : Cinéart)

Han Sanming, Zhao Tao - la plupart des acteurs ne sont pas des professionnels.

108 min.
9 mai 2007
STILL LIFE

La Chine est-elle en train de vendre son âme ? Ou est-elle, comme un Phénix, en train de naître de ses cendres ?

En mai 2005, Zhang-Ke était à Flagey pour présenter ce qui était, à l’époque, son dernier film « Shije - the world ». Le regard posé par ce jeune cinéaste sur l’état de son pays, allégorisé par un parc d’attractions dans lequel sont reconstitués en miniature les monuments symboliques des plus grandes villes du monde, y était creusé d’amertume et de nostalgique mélancolie.

En 10 ans et en 6 films, celui qui a cessé d’être le cinéaste prometteur de « Platform » pour devenir un cinéaste talentueux, continue d’observer les changements qui inscrivent la Chine dans une modernité dont le risque est de laisser, aux marges du progrès, les citoyens les plus faibles.

Un homme voyage en Chine pour y retrouver son ex-femme et sa fille qu’il n’a plus vues depuis 16 ans. En croisement à cette errance, celle d’une jeune femme qui cherche un mari, dont elle est sans nouvelles depuis 2 ans.

Cette quête, intime et dramatique, a pour toile de fond la construction du barrage des Trois-Gorges et de son usine hydroélectrique destinée à devenir la plus puissante du monde. Ambitieuses réalisations, déjà rêvées par Mao-Tse-Toung, qui ne reculeront devant aucun saccage. Qu’il soit inhumain - plus de 3 millions de personnes ont été déplacées -, immoral - pillages et prébendes planent au dessus des quartiers voués à la destruction -, ou manquant de respect historique - la cité de Fengdu ne sera pas protégée par sa revendication d’être un berceau du taoïsme -, le bouleversement est total, anonyme et incoercible.

Comme si l’entrée dans une ère nouvelle, celle du profit, demandait un sacrifice. A la hauteur de ceux de toutes les légendes et mythologies qui font reposer les Eldorados sur des socles de ruines et de décombres.

Aucun sensationnalisme ou protectrice mise à distance dans ce constat d’une mutation qui fractionne aussi irréductiblement qu’à l’époque, pas tellement lointaine, du clivage entre ceux qui brandissaient ou refusaient de brandir le « Petit Livre Rouge ».

La révolution, de nos jours, n’est plus culturelle. Elle est industrielle mais tout aussi cruelle par ses productions d’exclus ou d’exilés à la chaîne au bénéfice d’une Chine libérale rivée à des enrichissements de tous ordres, y compris illégaux.

Et pourtant, au cœur même de la désolation, quelque chose bruisse. De l’ordre d’une force, d’une résistance vitale, résonnée par le titre « Still life » (*), qui fait tenir debout la plupart de ceux qu’une telle apocalypse aurait pu courber. (m.c.a)

(*) énigmatique, comme l’est la civilisation chinoise pour un occidental, l’appellation « Still life »
renvoie à la fois à la notion de « nature morte » et au fait d’être « encore en vie ». Faisant ainsi, intelligemment, coexister la mort et la vie, faisant de la première le berceau (nécessaire ?) de la seconde. 

Jusqu’au 20 septembre, au Pavillon Chinois (avenue Van Praet 44 à Laeken), sont exposées les photos de Dieter Telemans, Tim Dirven et Jimmy Kets, qui dans un même élan, évoquent le désir des fils du Ciel à une vie meilleure.