Lana Rockwell, Nico Rockwell, Jabari Watkins, Will Patton, Karyn Parsons, M. L. Josepher …
“The moment you doubt whether you can fly, you cease for ever to be able to do it. So come with me where dreams are bornt and time is never planned. Just think on happy things and your heart will fly on wings forever in Neverland.” (J.M. Barrie)
Ce sont ces quelques phrases sorties tout droit de Peter Pan, le conte par excellence sur la fin de l’enfance, que Billie (Lana Rockwell) lit à son frère Nico (Nico Rockwell) le soir de Noël. Et l’on ne pourrait mieux résumer ce film dont le récit n’est autre que cette fin relativement douloureuse.
Billie, nommée ainsi en hommage à Billie Holiday, et son frère Nico mènent une vie peu facile, partagés entre Adam (Will Patton), leur père alcoolique et Eve (Karyn Parsons), leur mère qui les a quittés pour se mettre en couple avec Beaux (M. L. Josepher), un homme alcoolique et violent. Ne parvenant pas à trouver une place dans cette famille dysfonctionnelle, les deux jeunes ados qui s’auto-suffisent entament une sorte de road trip, mené par Malik (Jabari Watkins), rencontré lors d’un séjour chez leur mère.
Si le récit peut sembler des plus classiques et des plus connus, Sweet Thing n’en n’est pas moins touchant, même bouleversant.
A commencer par la jeune Billie, interprétée par l’incroyable Lana Rockwell, qui n’est autre que la fille du réalisateur, mais également de Karyn Parsons, qui joue le rôle de sa mère dans le film. Billie est magique, elle est belle, elle est forte, et joue si justement. Et elle chante… Elle chante avec une voix si douce qu’elle ne peut laisser personne indifférent. Même si les deux autres jeunes acteurs jouent également très bien, c’est clairement autour d’elle que le récit s’articule. C’est elle qui fait le lien entre Adam et Eve (référence évidente qui ne demande pas de commentaire supplémentaire), c’est aussi elle qui s’occupe de son frère, et qui fait la connexion avec Malik pour s’évader et quitter cette vie dans laquelle son frère et elle-même étouffent.
Mais ce n’est pas tout. Le film est tourné en noir et blanc, avec de temps à autre une séquence en couleurs, où le grain de l’image change, devient plus grossier, nous rappelant ces images de l’ancien temps où la technique ne permettait pas encore tout ce qu’elle permet aujourd’hui. Contraste étrange entre ces images en couleurs au grain moins fin et images en noir et blanc au grain beaucoup plus fin, car ces images en couleur rappellent souvent des bons souvenir et des moments de bonheur intense, comme des moments hors du temps, là où les images en noir et blanc renvoient à la réalité concrète, plus dure, dont les contours sont plus palpables.
Cette esthétique de l’image rend le film particulièrement beau mais aussi d’une poésie intense. Cette utilisation de l’image n’est pas sans rappeler le cinéma des premiers temps, tout comme les différentes ouvertures et fermetures en iris. Ou encore l’extrait en accéléré où l’on voit Billie et son ami Malik sur une sorte d’échafaudage, nous donnant l’impression de voir un film de Chaplin ou Keaton.
Les références esthétiques sont multiples et fort plaisantes, mais ne s’arrêtent pas là.
Le personnage de Malik semble être une réinterprétation de Jimi Hendrix. Et la bande son en ravira plus d’un, incluant, évidemment, Billie Holiday, mais aussi Van Morrison (à qui le titre du film rend littéralement hommage), Michael Jackson, Agnes Obel, Arvo Pärt et d’autres pépites… Dont une aussi, de Gunild Keetman, Vier Stücke für Xylophon, pouvant être une référence à You’re so Cool de Hans Zimmer, dans True Romance, qui est, rappelons-le, également le récit d’un couple en cavale.
Sweet Thing est une vraie pépite, une œuvre qui marque les esprits, d’une part d’une beauté et d’une poésie inouïes, d’autre part d’une certaine tristesse, liée à la fin de l’enfance, qu’on aimerait pouvoir préserver envers et contre tout.
(Astrid De Munter)