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Coup de coeurSYNGUE SABOUR - PIERRE DE PATIENCE

Atiq Rahimi, Afghanistan, France, Allemagne (2012)

Golshifteh Farahani, Hamidreza Javdan, Massi Mrowat ...

102 min.
20 mars 2013
SYNGUE SABOUR - PIERRE DE PATIENCE

Rappelez-vous, en 2008, le prix Goncourt
couronnait le roman, signé de l’auteur franco-afghan Atiq Rahimi « Syngué
sabour »* pierre de patience, un vrai coup de cœur pour ce récit intimiste.

Aujourd’hui l’écrivain a décidé de porter son
livre au cinéma aidé par Jean Claude Carrière, qui a tout de suite accepté, emballé
dès sa lecture.

En pleine guerre, au pied des montagnes de
Kaboul, un homme gît dans le coma, blessé d’une balle dans la nuque à cause
d’une bagarre absurde.Sa jeune femme (on ne connaîtra jamais son nom) est
assise à son chevet prie pour le ramener à la vie. Mais elle n’en peut plus.
C’est lui qui est blessé mais c’est elle qui
souffre.

Elle fixe le corps vide, inerte de son mari qui
pourrait être son père. Elle a été mariée pendant 10 ans dont trois de vie
commune seulement.

Avec lui, elle n’a connu que des brimades, jamais
de tendresse. Il ne lui a jamais rendu la vie facile !

Mère de deux petites filles mises à l’abri chez
sa tante elle va enfin lui dire tout ce qu’elle n’a jamais pu lui dire, lui
parler ce dont on ne parle jamais ! C’est une vraie délivrance et surtout
elle n’a plus peur !

Ironie du sort, c’est ici l’inversion des
rôles, lui qui ne l’a jamais écoutée.

On ressent sa douleur, cette violence contenue,
complexe. Enfin, elle se crée un espace de liberté, reprend possession de son
corps et de sa vie.

Ainsi en parlant, elle s’émancipe en confiant tous
ses rêves, de ses désirs.

Et l’homme gisant, inerte, devient malgré lui
sa « Syngué sabour » sa pierre de patience, cette pierre noire
magique, pierre de liberté que l’on pose devant soi et qui éclate après
l’ultime révélation.

C’est un film ouvert sur l’espoir, un huis
clos sobre. L’interprète principale est une jeune iranienne Golshifteh Farahani,
elle illumine le film ! Devenue persona non grata dans son pays, l’Iran où
elle a été la cible des ayatollahs pour avoir jouée tête nue, elle a choisi
l’exil en France.

On l’a découverte dans « A propos d’Elly »
d’Asghar Farhadi, le réalisateur du très beau « Une séparation » ou
encore dans « Poulet aux prunes » de Marjane Satrapi.

Le film a été tourné en dari, la langue perse
parlée en Afghanistan, dont l’accent est très différent du farsi parlé en Iran,
une autre gageure pour la comédienne.

Le film est baigné de couleurs chaudes, du
rouge foncé, du bleu ou de l’ocre comme la burqua de la jeune femme. Atiq
Rahimi est aussi peintre et cela se voit ! Une lumière douce éclaire cette
chambre dépouillée, silencieuse qui contraste tellement avec la vie de la ville
bruyante avec ses chars, ses tirs de roquettes, ses massacres. Si le film n’est
pas tout à fait fidèle au roman écrit directement en français pour une question
de censure, Atiq Rahimi ne lâche rien, continue sa quête de liberté, porte avec
justesse un regard sur les questions essentielles, brise les tabous d’une
société violente avec les femmes, la haine de l’oppresseur.

 

Et finalement l’homme lui-même, n’est- il pas
aussi prisonnier de sa famille, de toute cette société machiste ?

 

C’est un réquisitoire implacable contre les
carcans religieux, sociaux, culturels.

 

Impossible d’oublier ! A lire et à
voir !

 

Anne Goreux

 

* « Syngué sabour » d’Atiq Rahimi est
paru chez POL ou en format poche chez Folio.

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