Coup de coeur mensuel
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Coup de coeurTEL PÈRE, TEL FILS

Hirokazu Kore-Eda

Masaharu Fukuyama, Machiko Ono

120 min.
18 décembre 2013
TEL PÈRE, TEL FILS

Tel Père, Tel Fils est Le Film à ne
pas manquer en cette fin d’année. 
Présenté au Festival de Cannes 2013 mso-ansi-language:FR-BE ;mso-fareast-language:ZH-CN ;mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR-BE">[1]
et récompensé par le Prix du Jury, le neuvième film de Kore-Eda mérite assurément
une Palme de Cœur. 

 

Traité avec une
perspicacité et une finesse hors du commun, ce drame familial repose sur un
scénario relativement simple mais dont le sujet est éminemment complexe. Ryota Nonomiya est un architecte talentueux, largement
accaparé par sa réussite professionnelle. 
Psychologiquement rigide et exigeant à maints égards, il forme avec son
épouse et leur fils de six ans le modèle de la famille idéale. Lorsque la maternité de l’hôpital où son fils
a vu le jour lui apprend que ce dernier n’est pas son fils biologique et qu’il
a éduqué six ans durant l’enfant d’un autre car il y a eu échange de
nourrissons à la naissance, tous ses repères volent en éclats. Le désarroi est d’autant plus grand lorsqu’il
se rend compte que la chair de sa chair a été élevée dans un milieu plus
modeste que le sien et par un homme qui lui est en tous points opposé. Être présent au monde et aux être n’est pas
chose aisée et c’est avec un tact remarquable que l’un des plus talentueux
réalisateurs japonais nous en fait la démonstration.

 

En deux heures,
Kore-Eda nous invite à explorer avec force, sensibilité et pudeur la complexité
humaine et sa violence psychologique lorsqu’elle se voit confrontée à une
situation qui implique des choix quasi cornéliens. Dans le vieux débat philosophique (et
cependant non éculé) sur la préséance de l’essence sur l’existence ou de son
contraire, ou plus prosaïquement sur la part qu’il faut imputer à l’acquis et à
l’inné dans la construction d’un être, la question se pose ici à 360 :
Est-on le fils de ses parents ou le devient-on ? Les liens du sang sont-ils de l’ordre du
sacré ? À force de vivre ensemble,
n’en vient-on pas à se ressembler ? 
Qu’est-ce qu’être un (bon) père ? 
Jusqu’à quel point nos modèles familiaux nous inspirent-ils et nous poursuivent-ils
lorsqu’il s’agit d’endosser le rôle de parent ? Que veut-on pour nous enfants ? Que cherchons-nous à travers eux ?

 

À aucun moment
Kore-Eda ne laisse le champ libre aux réponses stéréotypées ni ne piétine la
gravité du sujet par une sensiblerie doucereuse. Le réalisateur procède par touches
impressionnistes pour évoquer les multiples facettes de son sujet et demeurant
fidèle à sa culture, il parvient à tracer, à la pointe du couteau, un portrait
pénétrant de la société japonaise à travers ses structures familiales et les
espoirs qu’elle fonde pour sa descendance. 
En plaçant le père au cœur du débat, en faisant de lui l’indéniable chef
de famille, et en sabrant l’épouse, mère docile qui n’a guère voix au chapitre,
Kore-Eda dénote avec beaucoup de subtilité le carcan machiste de la société
nippone. C’est également d’une main de
maître qu’il dirige les enfants mso-ansi-language:FR-BE ;mso-fareast-language:ZH-CN ;mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR-BE">[2]
de ce film émouvant mais non dénué d’humour. 
On regrettera toutefois la faiblesse de l’argument éclairant les raisons
de l’échange des nourrissons mais il s’agit là d’un léger hic scénaristique qui
n’altère en rien la qualité et la puissance de l’ensemble.

 

En 1949 Simone de
Beauvoir écrivait, « on ne naît pas femme, on le devient » ; à
l’issue de Tel Père, Tel fils , on pourrait conclure : on ne naît
pas père, on le devient. 

 

 

( Christie Huysmans )

 


mso-ansi-language:FR ;mso-fareast-language:ZH-CN ;mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR">[1] Kore-Eda en est à sa quatrième participation à Cannes. En 2009, il y était présent avec Air Doll ,
en 2004 avec Nobody Knows et en 2001 avec Distance .

mso-ansi-language:FR ;mso-fareast-language:ZH-CN ;mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR">[2] Déjà dans Nobody
Knows
et I wish (2011), Kore-Eda avait fait montre d’un génie remarquable
pour diriger des enfants.