Rachel Weisz, Simon Russell Beale, Tom Hiddleston
La passion amoureuse et ses mystères. Depuis toujours bouleversants, irrationnels et dévastateurs.
Ils sont ici observés avec une minutie formelle étrangement ringarde et tourmentée pour ceux et celles qui en ont marre des histoires dans lesquelles une héroïne est condamnée (colonisée par une vision masculine ?) à n’éprouver la découverte de la ferveur charnelle que dans la culpabilité et l’échec.
Hester Collyer, lumineusement incarnée par Rachel Weisz, quitte un époux âgé et douillettement ennuyeux pour un homme plus jeune qu’elle (*). Dont les nerfs ébranlés par 4 années de Royal Air Force durant la seconde guerre mondiale rendent toute construction de liaison permanente aléatoire.
De Terence Davies (« The long day closes », « Of time and the city ») on connaît le goût pour la nostalgie. Goût parfaitement supportable quand il ne devient pas comme ici complaisance et sensibilité névrotique qui enferment les personnages dans des schémas qui excluent toute possibilité d’évolution.
Chacun des amants inscrits, avec une passivité morbide, dans la même incapacité de faire face à la réalité. Chacun enfermé dans leur envie de fuir. De se fuir jusqu’au suicide (**).
« The deep blue… » est l’adaptation d’une pièce de théâtre de Terence Rattigan, célèbre dans les années 1950, qui partage avec le réalisateur l’intérêt pour les sentiments âpres et l’aptitude au malaise (amertume ?) vis-à-vis du monde dont ils sont les contemporains.
La mise en scène de Davies, on le sait, est reconnaissable entre toutes. Atypie qui n’est pas nécessairement synonyme d’extra-ordinaire lorsqu’elle succombe sans retenue à une symbolique appuyée, à un resserrement des plans proche de l’étouffement du confessionnal (reflet de la reliogisité du cinéaste ?) et à une ornementation musicale qui par sa tentaculaire présence rend, pour une semaine au moins, allergique à toutes notes sortant d’un violon.
Davies a une prédilection pour le romanesque désespéré, les destins tragiques, les cheminements faits de souffrance et les situations dans lesquelles le présent est sans issue, plombé par les effets d’un passé trop émotionnellement (lyriquement ?) remémoré.
On regrette que ne fassent pas partie de ses partis pris l’envie de défendre une femme qui ne soit pas tentée par le déclassement social (« The house of Mirth ») et le fétichisme de la relation qui, parce qu’impossible, la rendra malheureuse.
« Comme cela s’appelle-t-il quand le jour se lève comme aujourd’hui et que tout est gâché, que tout est saccagé … ? Cela … s’appelle l’aurore » - in « Electre » de Giraudoux.
Dommage qu’il y ait si peu d’aurores dans le cinéma de Terence Davies. (mca)
(*) interprété par un Tom Hidddleston dont la prestation ne gagne pas à être comparée à celle de Colin Firth dans la mise en scène de Karel Reiz pour la BBC en 1994.
(**) Dans « The end of an affair » de Neil Jordan, drame qui présente plus d’un point de comparaison avec « The deep blue… », Julianne Moore choisit le refuge de la foi.