Qui suis-je ?
1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s)

THE DRUMMER

Kenneth BI (Hong-Kong 2008 - distributeur : Benelux Film Distributors)

Jayce Chan, Tony Leung Ka Fai

118 min.
20 août 2008
THE DRUMMER

Au départ d’une histoire de gangsters hongkongais plutôt simpliste, Kenneth Bi crée une intrigue aux allures de trajet initiatique, à mi chemin entre film d’action et recherche philosophique.

Histoire de Sid, fils rebelle d’un chef de triade, qui, parce qu’il a flirté avec la petite amie d’un chef rival, est mis au vert par son papa tyrannique. Alors qu’il s’ennuie ferme dans une bourgade à flanc de colline, il entend le son entêtant de tambours provenant de la montagne. Lui-même batteur, Sid décide de se joindre au groupe des « drummers », sans se douter que ce choix va impliquer d’énormes changements dans sa vie.

On pourrait se dire que ce film tient d’une certaine singularité. Qu’au départ d’un récit de gangsters stéréotypés, Bi opte pour une alternative ésotérique, une réflexion sur la vie en générale, et sur celle de son héros en particulier.

Mais ce n’est malheureusement pas la sensation qui se dégage du film dans les faits.

Car si « The drummer » emprunte un chemin original, il en résulte plusieurs déficiences, tant en terme de narration que de la stylistique même du film.

Le souci premier vient du fait que le film est inconstant, sans homogénéité sur un plan narratif. Au départ suivi d’hommes violents dont l’unique préoccupation semble être la démonstration de leur fierté et de leur orgueil, le récit bascule brusquement dans le parcours de Sid parmi les batteurs zen.

Il s’agit dès lors d’une narration d’une toute autre nature, centrée sur un personnage unique, en découverte, en processus. Lorsque, par effet de montage, l’on revient de temps à autre aux gangsters restés à Hong-Kong, le clash est évident. C’est comme si deux films étaient télescopés en un seul. Il en résulte une narration en demi-teinte, en demi-mesure. Dont l’ensemble est peu cohérent. Peu convaincant.

D’autant que les choix cinématographiques opérés par Bi sont plutôt décevants. Alors qu’il avait dans les mains une matière tellement intéressante, les tambours sacrés, leur rythme fascinant, leurs sons entêtants, le réalisateur s’entête à user à tort et à travers d’effets divers. Il utilise le montage de façon plus qu’intensive, coupant sans cesse les scènes musicales pour mettre en parallèle d’autres situations ou pour jouer de valeurs de plan différentes.

Du coup, en plus d’avoir la désagréable sensation d’être face à un produit hollywoodien, formaté dans son usage sans retenue de l’aspect formel, Bi entrave la réception spectatorielle. Le fait de morceler ces scènes empêche de s’y laisser emporter, de s’y plonger. La cinesthésie ne peut fonctionner.

Et on ne peut se retenir de penser à la scène de danse sous la pluie dans « Shara » de Naomi Kawase, où la réalisatrice parvenait à faire exactement ce à côté de quoi Bi passe : donner des images pures, fortes en elles-mêmes, par lesquelles on est aspiré, emporté, enivré.

On sort de « The drummer » avec l’impression d’être passé à côté.

A côté d’une histoire qui aurait pu être plus touchante si elle avait été plus simple, moins grandiloquente mais plus juste.

A côté d’un film qui aurait pu atteindre une force cinesthésique singulière, si elle ne s’était pas cloisonnée à des formes trop usitées, parasitées. (Justine Gustin)