Willem Dafoe, Brooklynn Prince, Caleb Landry Jones, Macon Blair Karren Karagulian
Après « Tangerine » (2015), Sean Baker nous revient avec un nouveau film intitulé « The Florida Project ». À travers ce petit bijou cinématographique, le réalisateur réaffirme son style ancré dans un réalisme poétique. Il y dresse une fois de plus le portrait de ces laissés-pour-compte de l’Amérique et plante le décor à Orlando, dans des motels aux couleurs criardes situés aux abords du parc de Disneyworld.
Dès les premières images, on découvre nos jeunes protagonistes en train de jouer. Parmi eux, il y a Moonee (Brooklynn Prince), cette petite fille espiègle de six ans qui vit avec sa jeune maman, Halley (Bria Vinaite), dans une des chambres du motel mauve. Avec ses amis, elle passe ses journées à faire les 400 coups, tandis que sa mère tente, tant bien que mal, de trouver de l’argent pour pouvoir survivre. Elles peuvent néanmoins compter sur la bienveillance de Bobby (Willem Dafoe), le manager de l’hôtel.
Sean Bakker a l’art d’inclure petit à petit les éléments qui vont dévoiler la précarité des personnages. Au cours des premières scènes, nous voyons tout simplement des enfants heureux, et il en faut beaucoup pour atteindre leur joie de vivre. Moonee est une petite fille enthousiaste et intelligente qui a plus d’un tour dans son sac pour obtenir ce qu’elle veut, en particulier de la crème glacée. On voit bien que c’est une enfant qui est aimée et chérie par sa mère, mais on constate également qu’elle est souvent livrée à elle-même. Cela entraîne de temps à autre des bêtises plus conséquentes et le fait qu’elle soit plus exposée, comme les autres enfants du quartier, à des personnes malveillantes.
Le fait d’avoir placé l’action dans un quartier qui se situe à côté de Disneyworld a bien sûr toute son importance et permet de constater le fossé qu’il y a entre ces deux mondes. À première vue pourtant, on ne décèle pas la misère qui existe dans ces quartiers et esthétiquement, c’est presqu’aussi beau qu’à Disneyworld. C’est un endroit très coloré avec un ciel bleu et du soleil quasiment tous les jours, ça ressemble presque à un petit coin de paradis. Même les personnages sont colorés, il suffit de voir la mère de Moonee avec ses cheveux bleus. Mais si on s’y attarde plus longuement comme nous le propose le film, on constate l’écart qu’il y a entre cette classe sociale qui vit dans ces motels et les autres qui ne font qu’y transiter. Ces deux mondes sont ainsi amenés à se côtoyer de temps à autre et ce mouvement se fait dans les deux sens. Les touristes viennent dépenser leur argent dans les motels, tandis que la mère de Moonee se rend dans les hôtels plus luxueux pour vendre du parfum.
Scénaristiquement parlant, « The Florida Project » semble répétitif. On reste dans le quotidien de ces enfants et de leurs familles. Mais petit à petit, l’histoire évolue vers quelque chose de plus dramatique avec une caméra toujours placée là où il faut. Contrairement à « American Honey » qui traitait également de la même thématique, « The Florida Project » est plus épuré et plus authentique. Il est également moins musical mais étrangement plus dynamique avec un point de crescendo qui vient boucler le film d’une manière complètement osée et c’est justement ce genre de geste cinématographique qui en fait un tel chef d’œuvre.
Avec « The Florida Project », Sean Bakker réussit un véritable coup de maître et nous offre un film humain avec un regard très juste posé sur cette génération d’enfants insouciants. Pour finir, on saluera la performance incroyable de la jeune Brooklynn Prince qui n’a certainement pas fini de nous étonner.
(Nathalie De Man)