Reconstitution d’un moment de l’histoire
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THE OTHER BOLEYN GIRL

Justin Chadwick (GB 2008 - distributeur : Upi)

Natalie Portman, Scarlett Johansson, Kristin Scott-Thomas, Eric Bana

115 min.
9 avril 2008
THE OTHER BOLEYN GIRL

Oups… Respirons un bon coup avant de nous lancer dans cette histoire dont les liens avec l’Histoire sont aussi distendus que l’image de la « femme » déclinée par « Desesperate housewifes » de celle décrite par Simone de Beauvoir dans « Le deuxième sexe ».

Justin Chadwick est un homme de télévision (*) et ça se sent : simplification des événements et contre événements historiques, focus sur un anecdotique qui donne aux deux ingrédients de base des séries télévisées - amours compliquées et ambitions - leur routinière saveur.

Manifestement l’intention n’est pas de porter un intérêt politique à une période charnière du règne d’Henri VIII - son divorce de Catherine d’Aragon et de Rome pour pouvoir épouser Anne Boleyn qui, croyait-il, lui donnerait un fils - mais de se servir de cette occurrence pour pimenter un scénario de tragique passionné ... et décolleté.

« The other Boleyn girl » c’est l’Histoire vue au niveau des pâquerettes. Celle qui ne réussit pas à
restituer la réalité institutionnelle d’une époque - par crainte de barber le spectateur - mais qui
permet de lui donner l’illusion de revivre, grâce à de somptueux costumes, de beaux châteaux et
leur minutieuse reconstitution décorative, un moment du passé.

Deux actrices d’habitude magnifiques essaient de donner vie à un improbable duo de sœurs qui se
partagent les faveurs d’un même homme - Natalie Portman en Machiavel de brocard versus Scarlett Johansson qui en Sainte Nitouche ne sort pas grandie du face à face.

Eric Bana est un surprenant Henri VIII auquel il apporte une brune et allurée tournure bien éloignée des portraits de l’homme corpulent et roux peints par Holbein le Jeune et exposés notamment dans la collection Thyssen Bornemisza à Madrid.

Tiré d’un roman de Philippa Gregory (**), proche par son emphase sentimentale de Barbara Cartland, « The other… » fera sourire tous ceux qui ont la mémoire historique indulgente ou défaillante.

Et grincer des dents ceux pour qui le souvenir doit être pointilleux et respectueux non seulement en fait mais aussi en contexte. Ce qu’était avec infiniment plus de sérieux l’altier « A man for all seasons » de Fred Zinneman.

La série télévisée « Les Tudors » diffusée sur la chaîne cryptée Be Séries donne des amours d’Henry VIII (***) une image bien plus violence et fastueuse que ce soap opera trop customisé pour être honnête.

Est-ce une raison pour délaisser le grand écran au profit du petit ?

Sûrement pas. C’est juste une occasion à saisir de comparer deux approches des mêmes enjeux.
Et de se demander pourquoi l’une accroche et de l’autre on décroche ? (m.c.a)

(*) Où il s’est fait connaître par sa réalisation de « Bleak house » une adaptation feuilletonnesque d’un roman sur la justice sociale de Charles Dickens avec Gillian Anderson, l’agent Scully des 193 épisodes de « X-files »
(**) Paru dans une traduction française de Céline Véron Voetelink aux éditions L’Archipel sous le titre de « Deux sœurs pour un roi ».
(***) Interprété par Jonathan Rhys Meyer qui a été, dans « Match point » de Woody Allen l’amoureux … d’une drôlement plus convaincante Scarlett Johansson.