Bio-fiction
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THE SOCIAL NETWORK

David Fincher (USA 2010)

Jesse Eisenberg, Justin Timberlake, Andrew Garfield

120 min.
27 octobre 2010
THE SOCIAL NETWORK

Mark Zuckerberg, le créateur en 2004 de Facebook, est-il un bon ou un mauvais génie ?

 

Jeune - il avait 20 ans au moment de sa découverte - comme tant d’autres "inspirés" avant lui : Rimbaud en avait 16 lorsqu’il écrivit « le dormeur du val » Orson Welles 25 lorsqu’il réalisa « Citizen Kane », Louis Renault 22 lorsqu’il construisit sa première auto.

Ce n’est donc pas tant sa jeunesse qui fascine, dans le domaine de l’informatique la valeur n’attend pas le nombre des années (*), que son esprit de conquérant et les retombées frankenstein-iennes de son entreprise novatrice.

 

Avouant, toute modestie bue et avec l’inconscience mégalomane de celui à qui le succès, relayé par une presse sidérée, sourit que son intention est de faire de son programme le lien ultime entre les habitants de la planète.

Esprit de conquérant qui lui donne un petit côté de héros de western. Qui devra défendre, pixels à la main, son pré carré face aux prédateurs attirés par l’odeur subodorée des Himalayas de dollars liées à l’invention.

Un western dans lequel l’adresse n’est plus « go West young man », mais « go virtual young geek ».

C’est avec son habituel dynamisme visuel et sa direction précise d’acteurs (tous épatants ... même Justin Timberlake) que Fincher pose les ingrédients d’une prise de pouvoir boostée par un aplomb et un entregent qui tranchent avec la frustration de l’inventeur supposée être à l’origine de sa catharsis créatrice - Facebook était présenté comme la sublimation d’une déception amoureuse.

Idée éminement romantique (et sans doute éminement imaginarisée) qui donne au film son ressort narratif et l’inscrit dans un processus d’ « odieusité » basé sur le roman biographique de Ben Mezrich « The accidental billionaire « (**) et les répliques « pingpongantes » du scénariste Aaron Sorkin qui, laissant au vestiaire toute intention hagiographique, décrivent les premières heures de Facebook comme étant l’œuvre d’un solitaire.

 

D’un manipulateur. D’un quérulent, d’un revanchard incapable d’accorder sa confiance.

Comme à la plupart des BBI (Born Before Internet) le cas Zuckerberg, en tant qu’histoire privée, n’inspire qu’un intérêt poli - quoiqu’on puisse éprouver une certaine compréhension de son besoin de reconnaissance lorsqu’il est en compétition avec l’élite carnassière et arrogante de la Harvard University.

Mais en tant que regard sur un individu à l’origine d’une nouveau phénomène collectif (universel diraient certains) « The social network », susceptible comme la langue selon Esope du pire et du meilleur, interpelle et ouvre la voie aux questionnements.

Pourquoi de telles concentrations capitalistiques sur de si frêles épaules ?

 

Comment éviter que Facebook ne devienne une poubelle rendant publiques rancunes et rancoeurs personnelles et/ou ne parasite le droit le plus élémentaire au respect de la vie privée ? 

Que révèle de notre intimité profonde le besoin de se faire des amis que la plupart des internautes, embullés dans un rapport ghettoisé (pervers ?) avec leur PC, ne rencontreront jamais ?

Biberonnée à Ciceron (***) et à Montaigne (****) qui faisaient de l’amitié une affaire « intuitu personae » plutôt qu’abreuvée de clics de souris, je demeure perplexe .

Il y a certes un côté balzacien dans cette "winning story" mais elle a aussi, par sa démesure financière pouvant donner le tournis - on parle d’une future introduction en Bourse de Facebook évaluée à 20 milliards de dollars - un côté luciférien.

Sans conteste, Zuckerberg est une star. Bri !llera-t-elle longtemps ? (mca)

(*) Bill Gates avait 20 ans lorsqu’il a fondé Microsoft, Larry Page 25 lorsqu’il a créé Goggle et Shawn Fanning 19 lorsqu’il a mis au point Napster.
(**) en français « La revanche d’un solitaire » paru aux éditions Max Milo
(***) "De amicis" paru aux éditions Belles Lettres

(***) "Parce que c’était lui parce que c’était moi" écrit-il en parlant de la Boétie