Rebecca Hall, Jeremy Renner, Jon Hamm, Ben Affleck
Noueux, rugueux, nerveux ce deuxième long métrage de Ben Affleck, est une surprise. Et une non surprise
.
Une surprise parce qu’il franchit, la pellicule haute, le pont-aux-ânes que constitue le deuxième film pour un réalisateur qui a épaté par un premier long métrage de qualité, "Gone baby gone"", que l’on n’attendait pas d’un acteur moyen (bovin ?).
Une non surprise parce « The town » n’est qu’une xième version de deux des fondamentaux du cinéma, le délictuel et le romanesque, dont raffolent les producteurs et les spectateurs. Les premiers parce qu’ils sont synonymes de rentabilité et les seconds de divertissement.
Doug est un voleur professionnel. Lors d’une expédition, il prend brièvement en otage une directrice d’agence de banque. Pour s’assurer qu’elle ne l’a pas identifié, il entre en contact avec elle. Il en tombe amoureux.
Cette histoire plutôt banale, tavelée de clichés comme une girafe l’est de taches noires, longuement (120 minutes !) et bavardement racontée possède un rythme qui lui donne un équilibre fragile mais qui finit pourtant par se révéler agissant.
Parce qu’au moment où le débordement sentimental risque de s’installer, une scène d’action et de tension vient remuscler et transformer la niaiserie naissante en ingrédient dramatique.
Ce n’est certes pas une erreur de ne voir dans « The town » qu’un thriller. Efficace et vif.
Ce n’est pas non plus une erreur d’y voir autre chose.
De plus psychologique. Posant clairement et pessimistiquement la question du poids de la famille, des clans et des allégeances. La trahison est-elle toujours une faute morale ? Est-on condamné à demeurer ce que l’on est ? Est-il possible de rompre avec ses déterminismes ?
A cet égard, « The town », le fantasme du bad boy qui voudrait devenir a nice fellow, est l’inverse du "Pour elle" de Fred Cavayé dans lequel Vincent Lindon prend le risque de devenir un criminel pour aider son épouse incarcérée.
Là où « The town » se révèle particulièrement intéressant, voire porteur de réflexions, c’est dans l’influence souterraine exercée par Boston, la ville unité de lieu du récit et la ville où a grandi Affleck, sur les liens complémentaires que le cinéaste tisse entre le fond et la forme de sa narration.
Boston, comme les grandes métropoles, est fondée sur des contrastes. D’un côté Harvard, lieu de savoir et de classe (*) De l’autre Charlestone, quartier réputé pour ses braqueurs et sa brutalité.
Le film est porteur des mêmes oppositions. D’un côté un style classique (pas d’effets spéciaux ou de techniques proches du gadget) et de bonne école (Christophe Nolan, Michael Mann, « L’ultime Razzia » de Kubrick). De l’autre une trame faisant la part belle à la canaille et à la violence.
La réserve que l’on éprouve face à la prestation de Ben Affleck en tant qu’acteur se délite devant celles, performantes, de Rebecca Hall (portée par Woody Allen sur les fonts baptismaux du 7ème art dans « Vicky Cristina Barcelona ») et surtout de Jeremy Renner (**) - « The hurt locker » de Katheryn Bigelow, la 1ère femme récompensée par un Oscar pour ses talents, immenses, de réalisatrice.
« The town » se veut et réussit à être un spectacle de samedi soir. Sa densité en fait aussi un film des autres jours de la semaine. (mca)
(*) en théorie. Car on sait que la fripouille se faufile partout.
(**) un détonnant mélange d’un physique à la Chuck Norris et d’une folie à la De Niro du "Mean streets" de Scorsese