Pour un samedi soir
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THE WAY BACK

Peter Weir (USA 2010)

Saoirse Ronan, Colin Farrell, Ed Harris, Jim Sturgess

133 min.
26 janvier 2011
THE WAY BACK

Pourquoi une telle exaspération (de ma part) devant un film plutôt bien fait et par moments empreint d’une densité physique impressionnante ?

Est-ce parce j’attendais de la part d’un cinéaste qui a donné au 7ème art un de ses chefs d’œuvre les plus singuliers, "Picnic at Hanging Park", une implication auteur-iale moins conventionnelle ?

Est-ce parce que dans cette « Grande évasion » dont les repères sont la faim, la soif, la résistance aux températures et climats contrastés - en 1940 une petite troupe de prisonniers décide de s’évader d’un camp de travail en Sibérie pour rejoindre l’Inde - le spectaculaire le dispute et souvent l’emporte sur tout autre forme d’approche plus subtile ?

Est-ce parce que la leçon de courage proposée est assénée aux spectateurs, choisissant de lui en mettre plein la vue par une enfilade souvent époustouflante (il faut le reconnaître) de paysages à la beauté sanctionnée par le National Geographic ?

Est-ce parce que les acteurs dont à priori l’hétéroclisme est le bienvenu finissent par délaisser, au bout de 133 minutes dont un bon quart aurait gagné à être coupé, l’émotion pour le stéréotype. Glissant de dilemmes moraux en drames intimistes avec un sens accablant de la caricature ?

Est-ce parce que la mise en scène est truffée d’artifices narratifs de type hollywoodiens censés créer le suspens, l’inutile sentimentalité et la lourde réflexion politique ?

Est-ce parce que j’éprouve une méfiance devant l’authenticité de cette histoire présentée comme vraie dans le récit de Slovomir Rawicz (*) « The long walk : the true story of a trek to freedom » dont le film est une adaptation ? - je n’ai plus envie de tomber dans le piège du vrai -faux de « Survivre avec les loups » de l’écrivaine belge Micha Defonseca et adapté pour le grand écran par Véra Belmont.

Est-ce parce que la Nature y est présentée comme n’étant que puissance brutale - un des responsables du goulag la décrit en ces termes « She is your jailer and she is without mercy » ? Sans les paradoxes du « Mosquito coast » (**) du même réalisateur - film dans lequel Harrison Ford est obligé de revisiter son idéal rousseauiste lorsqu’il est confronté à la dure réalité des contrées traversées.

Sans doute toutes ces raisons ont leur part dans ma réserve vis-à-vis de cette saga sibérienne. Mais il en est une autre qui les surpasse toutes.

Pourquoi ce film dispose- t-il d’un réseau de distribution aussi étendu (20 salles !) alors que celui de Marleen Gooris « Within the whirlwind » (***) qui évoque lui aussi une histoire vraie qui se passe sous le régime de la terreur instaurée par « le petit père du peuple » n’a bénéficié que d’une sortie scandaleusement minimaliste. Une séance à Cinématek et une autre dans un ou deux festivals.

Je n’ose imaginer que c’est parce que "Within ..." est trois fois féminin.

A la fois parce qu’il est fait par une femme, parce que son sujet est l’itinéraire d’une poétesse et écrivaine russe Eugenia Ginzburg (****) et que le regard posé par la réalisatrice sur celui-ci est empreint d’un questionnement fécond bien éloigné de toute intention de visuellement performer.

 

Ai-je tort de ne pas oser imaginer ? (mca)

(*) en français « A marche forcée » paru aux éditions Phebus
(**) adapté du merveilleux récit de Paul Théroux paru en poche Pocket
(***) chroniqué et défendu avec talent sur ce site par Laetitia de Jaegher
(****) dont l’œuvre biographique « Le ciel de la Kolyma » est parue en poche Seuil en 2 volumes