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Triangle of sadness / Sans filtre

Ruben Östlund

Thobias Thorwid, Charbi Dean, Harris Dickinson

150 min.
28 septembre 2022
Triangle of sadness / Sans filtre

Nouvelle satire noire du cinéaste Suédois Ruben Östlund, qui lui vaut à nouveau la Palme d’Or, « Triangle of sadness » (en français « Sans filtre ») ressemble à une farce grotesque crachant à la figure du monde capitaliste et des troubles qu’il génère. Du bienfait de se moquer aussi ouvertement (sans filtre) d’un système qui dégénère jusqu’à en avoir la nausée.

Le rideau s’ouvre sur une séquence impitoyable de casting pour hommes où l’on reste avec Carl et un sentiment de malaise. Malaise qui va se transformer en tensions au sein du couple qu’il forme avec la magnifique influenceuse Yaya, lorsqu’il est question de payer la note d’un restaurant de luxe. Ce n’est pas tant l’argent le problème. Ils sont tous les deux riches, beaux et jeunes. Le problème est plutôt lié à un certain pouvoir que l’on peut exercer sur l’autre, par le biais du rôle que l’on endosse, que ce soit une question de genre, de statut social, de race, et donc des privilèges qui découlent de ces rapports de force. Le jeu du pouvoir. De pouvoir échanger jeunesse et beauté contre une place sur un yacht de luxe en compagnie d’une poignée d’énergumènes richissimes provenant des 4 coins du globe. Personnages d’un conte de fée signé Dolce & Gabbana, ou pions du marché de la publicité, Carl et Yaya forment ce jeune couple influent, que l’on est censé envier.

Images tape-à-l’œil et personnalités « m’as-tu vu », Ruben Östlund emprunte les codes de l’esthétique léchée de la mode et des clichés "instagrammables" pour dépeindre la sulfureuse superficialité d’un monde occidental voué au capitalisme au détriment des valeurs humaines. Cette marchandisation des vies humaines donne la chair de poule, mais nous fascine en même temps, car, tel Pavlov le chien, nous sommes conditionnés à avoir envie d’observer ce genre de gens, ce genre d’images, cette fastueuse et décadente luxure et on se met à saliver dès que l’on en décode le moindre signal. Le monde que l’on nous vend, un bel exutoire à tant de vies de merde, ou encore, l’esclavagisme moderne emballé dans du papier glacé, glossy et glamour.

Et on s’accroche, malgré la tempête, malgré un capitaine qui chavire, car on a peur que les choses changent. Mais, alors que le chaos s’installe, les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent. Ce basculement de l’ordre des choses a un effet réjouissant, du moins dans un premier temps, car c’est avec un certain fatalisme que le cinéaste nous fait part de son constat affligeant : tant que nous voulons la même chose, il n’y aura pas de réel retournement de situation, pas d’alternative au monde que l’on a créé.

Ruben Östlund, provocateur et énervant, excelle dans la mise en scène du malaise et des tensions dans les relations humaines.

Luz