Les brèves des Festivals

UNITED STATES OF LOVE

Tomasz Wasilewski

Julia Kijowska, Magdalena Cielecka, Dorota Kolak, Marta Nieradkiewicz, Łukasz Simlat

104 min.
4 mars 2016
UNITED STATES OF LOVE

Ours d’Argent du meilleur
scénario : Tomasz Wasilewski pour United
States of Love

Pologne
1990. Le mur de Berlin est tombé, le communisme s’est effondré mais après des
années de stagnation, la société polonaise peine à embrasser les changements
venus de l’Ouest. Dans ce contexte, les sentiments sont refoulés, les émotions
demeurent encore tues ou réfrénées, et le carcan religieux est omniprésent.
Dans son quatrième long-métrage, Tomasz Wasilewski, qui a l’allure d’un Xavier
Dolan polonais, dresse, avec une perspicace acuité et un réalisme remarquable,
le portrait de quatre femmes en mal d’amour. Agata vit un amour
impossible : elle est dévorée par une passion brûlante pour un prêtre.
Iza, principale d’un lycée, qui a vécu pendant six ans une relation
extra-conjugale avec un médecin, se voit refoulée par ce dernier qui est
soudainement pris de remords après le décès de son épouse. La solitaire Renata,
professeur de russe, recherche désespérément à attirer l’attention de sa jeune
voisine, Marzena, professeur de danse et d’aérobic, dont le mari est parti
travailler à l’ouest, et qui rêve de devenir mannequin.

Dès
la scène d’ouverture, dont on ne peut que souligner le magnifique
photographique (un quasi noir et blanc légèrement colorisé), le réalisateur met
progressivement en présence tous les protagonistes qui, réunis autour d’une
table, discutent sur un ton badin. Mais au milieu des conversations animées, la
caméra capte très subrepticement les regards absents, désabusés ou inquiets de
ces femmes qui, seules, en silence et en ignorant tout l’une de l’autre, partagent
la souffrance d’amours inassouvies. C’est sans fards et sans érotisme que
Wasilewski filme les corps féminins. Reflet des passions glacées et des
sentiments réprimés, la mise à nu n’est nullement esthétisée mais, en sillonnant
avec sensibilité et intelligence, le cœur de ces femmes tourmentées, voire
torturées, le cinéaste fait preuve d’une pénétrante clairvoyance de la psyché
féminine et de ses non-dits. On soulignera également le choix avisé du
réalisateur d’avoir opté pour des couleurs dé-saturées qui, si elles réverbèrent
à merveille l’atmosphère de l’époque, entrent aussi en parfaite adéquation avec
la couleur sentimentale de l’ensemble du film où l’amertume, la déception et le
dépit prévalent. L’Amour de Dieu serait-il le seul amour pur et éternel, le
plus authentique et le plus indéfectible ? La question est posée mais la
réponse de Wasilewski conserve son mystère.

(Christie Huysmans)