Comédie sociale
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VERS LE SUD

Laurent Cantert (France 2005 - distributeur : Cinélibre) - d'après les nouvelles de l'écrivain haïtien Dany Lafferrière

Charlotte Rampling, Karen Young, Louise Portal, Menothy Cesar

107 min.
1er février 2006
VERS LE SUD

Aube des années 1980 à Haïti, du temps où cette île qui vivait sous la terreur de Baby Doc et de ses Tontons Macoutes, n’était un paradis que pour les riches touristes blancs.

Parmi ceux-ci des femmes aisées et esseulées qui viennent chercher à Port au Prince non seulement la chaleur du soleil mais aussi celle, qu’elles rétribuent, de jeunes éphèbes noirs et ardents.

Si le film est regardé d’une façon superficielle (ce qui est le droit de chacun) le spectateur n’y lira qu’une aventure assez banale de femmes vieillissantes à la recherche d’un peu de tendresse.

Mais comme il s’agit d’un film de Laurent Cantet, on peut se douter que sa caméra ne va pas se contenter de poser sur les plages de « la perle des Caraïbes » un regard mondain et hédoniste.
Elle va s’y faire rencontrer deux misères, deux souffrances : l’une occidentale et affective, l’autre autochtone et sociale.

Charlotte Rampling, au sourire magnétiquement étiré à mi-course, y est Ellen, professeur d’université sarcastique et sûre du pouvoir que lui donne les dollars.
Elle va, peu à peu et douloureusement, prendre conscience, en raison de son attachement amoureux pour Legba (un très charismatique Menthy Cesar), que l’équation désir contre argent est une des pernicieuses déclinaisons du pouvoir politico-économique mis en place par la dictature locale. Une de ces déclinaisons dangereuses qui ne laisse aucun des protagonistes intacts.

Elle quittera l’île abîmée dans ses illusions, dans son cœur et dans son âme.
Elle y aura perdu sa cynique (et sinistre) carapace pour y gagner ce quelque chose de plus fragile et de plus humain qui exclut toute envie d’ instrumentaliser sa relation à l’autre.

Ellen n’est pas la seule à être transformée par l’île. Brenda (une prestation sensible de Karen Young), elle aussi, connaîtra un parcours qui la mènera d’une passivité doucereuse à une propre prise en mains de son destin.

Finalement le dicton « on ne prête qu’aux riches » se révèle une fois de plus exact puisque seuls les Occidentaux repartiront enrichis, qui d’un surplus de conscience, qui d’une liberté assumée. (m.c.a)