Chronique dramatique
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VIER MINUTEN

Chris Kraus (Allemagne 2007 - distributeur : ABC Distribution)

Monika Bleibtreu, Hannah Herzsprung, Vladim Glowna

112 min.
28 novembre 2007
VIER MINUTEN

« Vier Minuten » est un film super primé. Est-ce pour cela un grand film ? Chacun aura sa réponse et c’est très bien ainsi.

Le cinéma allemand, notamment par son « Ecole de Berlin » (*), est revenu, début de ce siècle, sur le devant de la scène cinématographique grâce à des films d’auteurs minimalistes.

Le tournant amorcé vers le cinéma grand public avec « Good bye Lenin » et dont la qualité s’est splendidement affirmée par « Das leben der anderen » est-il en train de revenir à un de ses socles fondateurs : le mélodrame ?

Genre cinématographique qui, lorsqu’il n’est pas porté par la flamboyance d’un Douglas Sirk ou la férocité d’un Fassbinder, peut vite devenir un irritatif « too much ».

Traude est, depuis plus de 60 ans, professeur de piano dans une prison pour femmes. Jenny, à peine 20 ans, y est incarcérée pour meurtre. Entre ces deux tempéraments que tout oppose il y a la musique. Ce formidable vecteur d’émotions au travers desquelles un point de fragile équilibre sera trouvé entre la rigidité solitaire de l’une et l’ombrageuse agressivité de l’autre.

« Vier minuten » n’est pas qu’une histoire autour de la parabole « Qu’as-tu fait de ton talent ? » ou
qu’une déclinaison sur l’importance de l’art en tant que suppléance thérapeutique , il est avant tout un film sentimentalement violent. Qui dresse une sorte d’état de lieux de deux histoires. Celle de Traude renvoyant aux turbulences de la fin du nazisme et celle de Jenny empreinte de drames personnels. 

Sans pousser jusqu’à l’audace d’un complet happy end, « Vier minuten » exploite, avec une absence de retenue croissante, les ficelles de tous les excès.

Intensification, tragification, boulimie de noirceur (inceste, suicide, fausse couche, parricide, homosexualité bridée), caricatures des situations et des personnages (avec la mention du ridicule pour les seconds rôles) sont les ingrédients de base de ce film-chaudron à peine sauvé par les interprétations d’Hannah Herzsprung et de Monika Bleibtreu. Toutes deux présentant la même tendance, due peut-être à leur carrière à la télévision, à exprimer leurs pensées et ressentis par une expressivité dont la palette hyberbolique finit par agacer.

Même Schubert, Mozart, Schumann n’arrivent pas à réconcilier le spectateur, qui privilégie le retrait à l’ajout, avec les intermèdes musicaux. Ils sont martelés avec une emphase qui éloigne plus qu’elle ne rapproche.

Même si « Vier minuten » filigrane un délicat espoir, celui que le pire n’est pas nécessairement à venir, il reste une œuvre taillée à la serpe. Cette collision des tempéraments et des sentiments aurait mérité un traitement plus subtil pour convaincre. (m.c.a)

(*) Christian Petzold, Christoph Hochhaüsler « Falscher bekenner », Valeska Grisebach « Sehnsucht »
(**) Elle est la mère de Moritz Bleibtreu, cet acteur qui a participé, dès ses débuts, au renouveau du cinéma allemand (« Lola rennt » de Tom Tykwer, « Das experiment » d’Oliver Hirschbiegel)