Joan Allen, Simon Abkarian, Sam Neill
Que c’est rare et précieux un film complet qui s’adresse autant à l’esprit qu’aux sens de celui qui le regarde.
Sally Potter à laquelle nous devons le sublissime « Orlando » inspiré de Virginia Woolf apporte à la relation amoureuse ce qui d’habitude lui manque au cinéma : l’intelligence.
Cette intelligence qui déplie le mystère de l’intimité physique avec retenue et intensité.
La trame narrative est celle d’une rencontre entre « She », (une magnifique Joan Allen) scientifique anglo-saxonne dont le mariage se délite dans le silence, et « He » (un magnétique Simon Abkarian) médecin libanais exilé dans un Londres xénophobe.
Leur passion se vivra au fil de regards, de sensations corporelles, de conversations reflétant leurs vécus et leurs pensées.
Chaque réalisateur apporte au film ce qu’il est.
Sally Potter, étant aussi chorégraphe et musicienne, insère le rapport amoureux dans un mouvement et un tempo dont la fluidité est faite de contrastes : la lenteur succède à la rapidité, l’évidence au questionnement.
Un échange est-il possible entre une occidentale et un oriental, entre deux mondes que tant de différences culturelles, accentuées par le souvenir d’un 11 septembre encore proche, séparent ?
Dans le déroulement de sa réponse, la cinéaste a l’idée de confier à une femme de ménage, sorte de coryphée moderne, un rôle catalyseur et fédérateur. Ce sera elle qui, par son yes final, sanctionnera la possibilité d’une congruence entre les amants.
Ce film élégant (comme l’était celui de Claire Denis qui dans « Vendredi soir » orchestrait l’improbable rencontre Valérie Lemercier/Vincent Lindon) et subtilement discursif (comme l’étaient les retrouvailles Julie Delpy/Ethan Hawke dans « Before sunset » de Richard Linklater) convaincra les plus exigeants que le défi du cinéma de montrer l’invisible par des images
peut devenir réalité. (m.c.a)