Thriller
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ZODIAC

David Fincher (USA 2007 - distributeur : Warner Bros)

Jake Gyllenhaal, Robert Downey Jr, Mark Ruffalo

156 min.
6 juin 2007
ZODIAC

« Plus malin que la police ». C’est ainsi que se présente celui qui, sous le nom du « Zodiac », va semer, dans les années 1960/1970, la terreur à San Francisco et dans sa grande banlieue.

On connaît l’intérêt de Fincher pour les personnalités « border line » - serial killer (déjà) dans « Seven », looser agrippé à de multiples addictions dans « The game », fasciste givré dans « Fight club » - qui trouvent un mal(sa)in plaisir à se confronter à autrui dans de crépusculaires jeux du chat et de la souris.

Il y a pourtant une différence de taille entre ces trois réalisations et « Zodiac ». Celle d’une maturité qui pousse le cinéaste à délaisser actions spectaculaires et violentes au profit d’un regard responsable l’incitant à s’intéresser aux effets collatéraux que peut avoir une enquête sur la vie personnelle de ceux qui la mènent.

Ils sont trois à la recherche du coupable. Un policier, un journaliste et un caricaturiste au « San Francisco Chronicle ». Dans leur entreprise commune, un facteur s’installe lentement et pour longtemps. Celui du temps que, par une usure des visages, des corps et des volontés, le cinéaste rend palpable. Ce temps qui à la fois mouvemente les différentes phases factuelles de l’enquête et creuse inexorablement la faille du découragement et de la fatigue dans laquelle s’amollira la détermination de l’inspecteur Toschi (un Mark Raffaello physiquement proche de Peter Falk dans « Colombo ».)

C’est dans la dépression alcoolisée que le reporter Paul Avery (un excellent Robert Downey Jr) noiera la fragilité (*) apparue au cours de ses investigations.

Seul le graphiste Robert Graysmith (dans le rôle de ce moderne Achab à la quête de sa baleine blanche, Jake Gyllenhaal est remarquable) continuera infatigablement à chercher la clé de l’énigme. Vraisemblablement aidé, dans ce travail marathonien, par une structure de névrosé obsessionnel plus adaptée à une minutieuse collecte d’informations. Balloté entre doute et certitude, il donnera un nom au killer (**). Qui ne devra qu’à un providentiel infarctus de mourir libre. Si tant est que cet adjectif ait un sens en regard des compulsions contraignantes qui ligotent le psychopathe dans son action.

Dispersé entre de multiples personnages, tiraillé par les années traversées, le film, grâce à la maîtrise de sa mise en scène et à son astucieux montage ne dérape jamais. Il garde le cap de la cohérence, et loin de toute virtuosité exagérément techniciste, s’offre même le luxe d’intégrer, sous la forme d’extraits ou d’affiches deux références cinématographiques. Répondant ainsi avec une intelligent revers de miroir à l’un des souhaits du « Zodiac » de voir son histoire devenir un bon film.

Don Siegel, en 1971, reprenait, dans « L’inspecteur Harry », les grandes lignes du fait divers. Réservant à Clint Eastwood les mots d’une fin qu’il inscrivait à l’aide d’un cultissime Magnum 44.
Graysmith, dans sa battue à l’information, se servira, comme s’il était une utile boussole, du film auquel le tueur lui-même fait allusion : « The most dangerous game » de Pichel & Shoedsack.

Soulignons enfin la pertinence de la bande son qui, par sa précieuse sélection de morceaux, donne à une époque sa pulsation et son relief.

A l’époque des crimes du Zodiac, le métier de profiler n’en était qu’à ses balbutiements. En 1985, le FIB élaborait un programme, le VICAP ( ***), dont le but sera d’étudier, de façon scientifique, le comportement des délinquants les plus dangereux.

Les Etats-Unis n’ont jamais aimé que les criminels réussissent à passer à travers les mailles du filet de la police. Avec ou sans Patriot Act. (m.c.a)

(*) exprimée avec une lassitude qui rappelle celle d’Al Pacino dans « Insomnia » de Christopher Nolan
(**) celui d’Arthur Leigh Allen - voir ses livres « Zodiac » paru aux éditions du Rocher et "Zodiac unmasked" disponible sur www.amazon.com

(***) le Violent Criminal Apprehension Program