Interview de la réalisatrice Nadine Labaki de passage à Bruxelles
CF : « Caramel » est votre premier film en tant que réalisatrice, scénariste, comédienne puisque vous tenez le rôle principal donc vous êtes en quelque sorte un vrai chef d’orchestre
Est-ce que cela a été facile de faire ce film dans les conditions que connaissait le Liban, il y a un an ?
NL : Heureusement pour nous le film s’est fait pendant une période où il y avait beaucoup d’espoir au Liban et c’est juste à la fin du tournage que la guerre a éclatée. Les conditions de tournage étaient assez faciles et c’est après que c’est devenu plus difficile avec la guerre. Pendant le montage, j’ai dû quitter le Liban pour aller en France et cela a été pour moi comme une trahison, un énorme sentiment de perte surtout que mon film ne parlait pas de la guerre .
C’est un film choral avec 5 actrices très sensibles, charnelles, vivantes qui ont toutes un secret et qui se retrouvent dans ce salon de coiffure à Beyrouth. On pense inévitablement à Vénus beauté mais on sent aussi l’influence d’Almodovar avec son côté kitch, coloré ?
Il y a un retour à Almodovar dans les couleurs mais Almodovar a une manière plus fantaisiste, ses intrigues ne sont pas toujours réalistes alors qu’ici on est ancré dans la réalité Ce sont vraiment des problèmes réels, de tradition, de religion, des déchirements entre l’image moderne qui nous vient de l’étranger et la nôtre où on ne sait pas vraiment qui l’on est En fait on n’est ni l’un ni l’autre !
C’est une vérité actuelle que vivent ces femmes partagées ?
Oui , elles voudraient être plus libres, elles le sont en apparence mais c’est surtout dans la tête que tout cela se passe. Ce sentiment de culpabilité, ce poids du remord, cette ambiguïté entre ce que l’on est et entre ce que l’on nous permet vraiment d’être. On ne fait pas encore tout à fait ce que l’on veut !
Le ton est léger mais on sent la guerre, on voit des militaires qui se promènent dans les rues ?
C’est tout à fait normal. On vit quotidiennement avec eux. Il y a toujours un résidu de ce que l’on a vécu .
Un film de femmes, sur les femmes mais où les hommes sont omniprésents alors qu’on ne les voit pas beaucoup ?
Oui, tout tourne autour des hommes, de l’amour, de la recherche de l’amour et donc l’homme est toujours là !
Comment s’est passé votre rencontre avec la productrice Anne-Dominique Toussaint.
C’était au Liban ?
On s’est rencontré lors du Festival du Film Européen et elle m’a demandé quels étaient mes projets. Je n’avais fait que des clips aussi quand je lui ai parlé d’un projet de film, tout de suite elle m’a acceptée et m’a accompagnée du début jusqu’à la fin. Au Liban, il n’y a pas d’industrie du cinéma, pas de système établi .
Toutes les comédiennes sont des non professionnelles ?
Oui, même moi ! C’est en tournant, en les dirigeant que j’ai eu envie de tenir le premier rôle .
La musique ? Vous venez juste d’épouser, cet été, le compositeur Khaled Mouzanar.
Un double coup de cœur ?
Oui, la musique est carrément un personnage du film. Khaled Mouzanar a suivi tout le scénario et quand j’ai écouté sa musique, cela a été un très grand moment d’émotion !
A.G.