Avec ses 334.471 tickets vendus en une dizaine de jours, la Berlinale 2017 s’est à nouveau hissée au premier rang des Festivals les plus fréquentés par le public. Placée sous le signe de la diversité en termes de genres, cette 67ème édition nous a donné à voir du biopic, du cinéma d’animation, du « thriller », du drame et de la comédie. Il y en avait donc pour tous les goûts,et l’on notera d’ailleurs, non sans plaisir, que cette Berlinale 2017 a laissé un peu plus d’espace à l’humour et à l’amour qu’elle ne le fait habituellement.
S’agissant de la compétition, on regrettera par contre le manque d’audace du Jury officiel présidé par Paul Verhoeven dans l’attribution de certains prix. L’on ne pourra non plus s’empêcher de souligner que la sélection officielle comptait parmi les 18 films retenus, certains choix au ton très convenu, politiquement très lissés, voire très « tendance », ainsi qu’une kyrielle de longs-métrages à l’intérêt très mineur tant sur le fond que dans leur approche formelle.
Retour sur le Palmarès, la compétition et les films projetés en marge de la compétition.
C’est au film hongrois « On Body and Soul » (Teströl és Lélekröl) d’Ildikó Enyedi qu’a été attribué l’Ours d’Or.
« On Body and Soul » est sans doute la belle surprise de la Compétition et la bonne surprise du Palmarès avec un Jury qui n’a pas succombé à la tentation généralisée d’attribuer la plus prestigieuse récompense à « The Other Side of Hope » d’Aki Kaurismäki, littéralement encensé par des critiques dithyrambiques.
Signe que cette romance (qui se déroule dans un lieu aussi peu glamour qu’un abattoir de Budapest) a véritablement bénéficié de l’assentiment de tous, « On Body and Soul » a également obtenu le Prix du Jury Œcuménique, le Prix Fipresci ainsi que le Prix des lecteurs du Berliner Morgenpost.
Grand Prix du Jury pour « Félicité » d’Alain Gomis.
Seul film africain en compétition et qui compte quelques qualités notables, il apparaissait logique que, dans l’esprit de la Berlinale, « Félicité » se retrouve au Palmarès. Le Prix Alfred Bauer aurait sans doute été plus approprié pour ce film que l’on ne peut guère hisser au rang de chef d’œuvre.
Prix Alfred Bauer pour « Spoor » (« Pokot ») d’Agnieska Holland (prix dédié à un film de fiction ouvrant de nouvelles perspectives)
Si ce pseudo-thriller écologiste végétarien, qui se revendique comme féministe, est susceptible de susciter un intérêt pendant 45 minutes, la tournure hystérico-délirante que ce film polonais prend au fur et à mesure de sa progression, le manichéisme qu’il développe ainsi que le radicalisme qu’il prône, nous laissent plus que perplexe quant aux nouvelles perspectives qu’il ouvre, notamment sur le plan éthique.
Ne redoutant aucune prétention et respectant à la lettre la phrase de Talleyrand « Ne dites jamais de mal de vous-mêmes, vos amis en diront toujours assez », Agnieska Holland a estimé lors de la conférence de presse suivant la remise des prix que la récompense qui lui avait été accordée n’était que justice. Et c’est avec le ton d’une directrice d’un orphelinat du 19ème siècle, qu’elle a également profité de l’occasion pour reprocher à la jeune génération de cruellement manquer d’audace.
Ours d’Argent de la meilleure réalisation à Aki Kaurismäki pour « The Other Side of Hope ».
Les aficionados du réalisateur finlandais considéreront sans doute ce prix comme un maigre lot de consolation pour un film encensé à qui mieux mieux, mais qui, à peu de choses près, reprend les mêmes ingrédients que le précédent (« Le Havre ») et les accommode à la sauce d’Helsinki. Kaurismäki lui-même avait visiblement aussi vendu la peau de l’Ours d’Or avant de l’avoir entre les mains car c’est grisé d’une joie aussi rougeaude que le fauteuil dans lequel il était assis qu’il a remercié du bout des lèvres le Jury de la Berlinale.
Ours d’Argent de la meilleur actrice pour Kin Minhee dans « On the Beach at Night Alone » de Hong Sangsoo.
Prix stupéfiant pour une actrice campant,sans relief notoire, un personnage erratique à la recherche du grand amour dans un film qui, sans être déplaisant, ne laisse guère un souvenir impérissable. Daniela Vega, actrice phare dans « Una mujer fantástica », accueillie triomphalement par le public et par la presse sortait pourtant incontestablement du lot. Il est donc profondément regrettable que le Jury d’un Festival habituellement à l’avant-garde n’ait pas eu le courage de lui accorder la récompense qu’indéniablement, elle méritait haut la main.
Ours d’Argent du meilleur acteur pour Georg Friedrich dans « Bright Nights » de Thomas Arslan.
Même si Georg Friedrich ne démérite pas dans ce film à l’intérêt très limité, qui explore un sujet mille fois rabâché au cinéma, sa prestation n’a pourtant rien de très brillant. L’acteur autrichien se montre d’ailleurs plus convaincant dans « Wild Mouse », comédie cynique qui mérite le détour et n’aurait pas volé sa place au Palmarès. Son acteur –réalisateur Joseph Hader aurait d’ailleurs pu largement prétendre au titre de meilleur acteur.
L’Ours d’Argent du meilleur scénario a été décerné à Sebastián Lelio et à Gonzalo Maza pour « A Fantastic Woman » (« Una mujer fantástica »).
Déjà en 2013, Sebastián Lelio, qui a le don de magnifier les femmes, avait permis à Paulina Garcia de remporter l’Ours d’argent de la meilleure actrice pour son rôle sublime dans « Gloria ». En s’associant de nouveau à Gonzalo Maza pour l’écriture, le réalisateur chilien, qui a également obtenu le Teddy Award du meilleur film, réitère son exploit avec une finesse subversive et une délicate pudeur en offrant à l’actrice transgenre Daniela Vega le rôle d’une femme d’une émouvante dignité.
Ours d’Argent de la meilleure contribution artistique pour Dana Bunescu, monteuse de « Ana, mon Amour » de Cãlin Peter Netzer
Le réalisateur roumain, Cãlin Peter Netzer, n’est pas un inconnu de la Berlinale puisqu’en 2013, il avait remporté l’Ours d’Or en 2013 pour « Mère et Fils » (« Child’s Pose »). Inspiré du roman « Luminita, mon Amour » écrit par Cezar Paul-Badescu, ce film fut sans doute le plus total de la compétition. La récompense attribuée à Dana Bunescu n’est certes pas imméritée compte tenu du travail extraordinaire accompli sur le plan technique pour un film dont la structure narrative est totalement éclatée, mais nous nous l’aurions volontiers surclassé eu égard aux nombreuses qualités qu’il cumule tant sur le plan cinématographique que dans l’approche globale de son sujet.
À voir
« Wilde Mouse »de Josef Hader
« The Party » de Sally Potter
« Have a Nice Day »de Liu Jian
« Return to Montauk » de Volker Schlöndorff
Intéressants mais…
« Beuys » d’Andres Veiel
À éviter
« The Dinner » d’Oren Moverman
« Colo » de Teresa Villaverde
« Joaquim » de Marcelo Gomes
« Mr. Long » de Sabu
« T2 Trainspotting » de Danny Boyle
« Final Portrait » de Stanley Tucci
« The Bar » d’Álex de la Iglesia
« Sage femme » de Martin Provost
« Viceroy’s House » du Gurinder Chadha
« Bye Bye Germany » de Sam Garbarski
« Le jeune Karl Marx » de Raoul Peck
« The Lost City of Z » de James Gray
« Maudie » d’Aisling Walsh