Comédie musicale
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NINE

Rob Marshall (USA - Distributeur : Paradiso)

Daniel Day-Lewis, Penélope Cruz, Judi Dench, Marion Cotillard, Nicole Kidman, Fergie …

117 min.
10 mars 2010
NINE

Inspiré d’une production de Broadway de 1982, « Nine », nouveau film de Rob Marshall, propose la déambulation d’un réalisateur italien, Guido Contini, dans les méandres de la création. Ce dernier manque d’inspiration pour le scénario de son prochain projet et, embourbé dans une vie personnelle chaotique, ne parvient plus ni à raconter le monde, ni à se raconter lui-même.


Cependant, comme son personnage, le cinéaste Rob Marshall n’a pas (plus ?) grand-chose à proposer. Il ne parvient pas à dynamiser le genre musical par l’alternance de séquences rêvées et d’une histoire quelque peu nombriliste malgré des numéros faisant référence à un beau panel d’univers visuels, notamment le néoréalisme italien, l’expressionnisme ou le spectacle de cabaret.


Une palette impressionnante d’acteurs se livre à des interprétations tantôt remarquables, tantôt décevantes. Le rôle masculin central est incarné par un Daniel Day-Lewis qui apporte son talent (et un accent italien irréprochable) à une errance sans réels enjeux. Néanmoins, ses quelques séquences chantées altèrent sa stature et sa crédibilité.


Du côté du casting féminin, deux bon tiers ne livre qu’une interprétation basique et sans réelle proposition ou renouveau (Nicole Kidman, Penélope Cruz, Kate Hudson, Judi Dench, Sophia Loren). D’autres sont plus époustouflantes, particulièrement la prestation de Fergie, membre des Black Eyed Peas, qui marque son passage de la scène au grand écran. Dans son rôle, essentiellement visuel et vocal, de modèle féminin d’éveil à la sensualité pour le petit Guido, elle dégage une puissance remarquable dans un morceau dansé en alternance avec une très belle séquence nostalgique en noir et blanc.


L’autre prestation marquante est délivrée par Marion Cotillard, figure complexe dont la sensibilité se devine derrière un regard voilé et une présence qui se retire progressivement de la scène artificielle qu’est la vie de Guido. Dans l’éparpillement qu’installe le foisonnement de présences féminines, l’actrice permet au récit de trouver l’une ou l’autre respiration. La quête de reconnaissance de l’épouse de Guido Contini rappelle finalement l’omniprésence de l’artificiel dans un univers qui manque d’attrait.


Par ailleurs, le film souffre d’autres faiblesses. Les citations qui le parsèment ne sont guère incorporées et manquent de finesse. Il ne suffit pas de relier une œuvre à une autre par un titre (« Nine » faisant suite à « 8 ½ » de Fellini) pour que ce lien trouve une légitimité immédiate. Ce lien de filiation avec le cinéma italien ne se fait qu’au moyen de références maladroites. La réflexion sur la création de films, d’univers représentationnels, se révèle un trait réflexif que Rob Marshall se limite à effleurer en superficie.


Certes, le film est visuellement très réussi, grâce à des décors grandioses, une beauté émanant des paillettes et grâce à l’association d’un style visuel à une musique porteuse. Cependant, l’esthétique ne pallie pas un récit stagnant, ne décollant jamais malgré les espoirs éveillés par l’un ou l’autre numéro. Ce manque de substance crée une irrégularité rythmique déforçant le film. Finalement, la sensation de longueur face à un presque néant narratif s’installe.


Malheureusement, une esthétique travaillée à l’extrême et captivant le regard ne suffit pas à faire de « Nine » un film qui ait du sens. Alors que la très belle distribution de rôles, reconnue et récompensée à maintes reprises, ainsi que la mise en jeu de grands moyens auraient pu donner un supplément d’âme au film, la dominance de la forme sur le fond laisse une impression de superficialité.


En ne creusant pas au-delà de la performance, aucune résonance émotionnelle ou empathique ne s’installe avec ces êtres qui errent d’une séquence à l’autre. En dehors de l’atmosphère créée par les configurations spectaculaires et d’une réussite esthétique indéniable, l’œuvre n’entretient qu’un vague intérêt, qui s’évanouit instantanément après sa clôture. (Ariane Jauniaux)