Philippe Nahon, Alain Moraida
Que voilà un film, qui à partir d’une anecdote simple, ouvre d’intéressantes pistes de réflexions.
Un sociétaire de la Comédie Française se retrouve en 1770, sur une île perdue du Pacifique,
seul rescapé d’un naufrage.
Lui qui a toujours vécu en récitant les textes des autres, le voilà contraint, s’il veut survivre, à mettre en scène sa propre existence.
Le film largement inspiré du l’essai que Michel Tournier a consacré au mythe de Robinson Crusoë est scandé par une lumière particulière dont l’intensité croît au fur et à mesure que le naufragé accepte sa condition nouvelle.
Cette acceptation est suggérée par un montage ingénieux qui découpe le propos narratif en 3 épisodes : d’abord celui dans lequel l’île d’accueil est niée (scène de la tentative d’évasion), ensuite celle où elle est administrée (la rencontre avec l’autre incarné par Vendredi) et enfin celle où confronté de nouveau à la civilisation, le héros choisit, cette fois-ci en pleine conscience, de retourner à la vie sauvage.
Philippe Nahon incarne avec une force intérieure et une intense présence corporelle la métamorphose d’un homme qui va se ré-inventer dans un environnement qu’il faut apprivoiser autrement qu’avec des mots ou des idées pré-socialement mâchées.
On est loin de la version hollywoodienne du Robinson incarné par Tom Hanks dans« Cast away » de Robert Zemeckis (2000) ou de celle de Dan O’Herlihy dans le film de Bunuel (1953)
Il est vrai que l’enjeu de leurs aventures n’est pas le même.
Pour Tournier et Le Moine le chemin à suivre n’est pas celui qui mène à l’Autre mais celui qui mène à Soi, même au péril de la raison. (m.c.a)