Deux regards - deux opinions
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SOLUTIONS LOCALES POUR UN DESORDRE GLOBAL

Coline Serreau (France 2009)

Les anonymes et moins anonymes qui respectent Dame Nature

113 min.
8 septembre 2010
SOLUTIONS LOCALES POUR UN DESORDRE GLOBAL

Là où Michael Moore punche, Coline - quel magnifique prénom à la fois, même s’il n’a qu’une "aile", processus d’ascension et plateforme permettant de voir le Monde avec une efficace hauteur - Serreau « girlscoute » et c’est drôlement porteur.

Consciente des changements (*) de notre époque bien avant que ceux-ci ne s’inscrivent dans la bienséance du politically correct, la réalisatrice sait capter l’air du temps quand il n’en est encore qu’à ses balbutiements.

Dans « Solutions … », plutôt que d’ajouter sa voix aux lamenti agressifs, culpabilisants, catastrophistes d’Erwin Wagenhofer ou de Yann Arthus-Bertrand (**), elle préfère saisir les problèmes à bras-le-corps en s’intéressant à ceux qui essaient d’y apporter remède.

S’il est vrai que le propos est un peu (trop) bavard voire professoral et que la mise en images péche par un manque de moyens et un trop de maladresses, il a le mérite d’exister et de révéler à quel point l’homme peut être inventif pour résister à l’emprise grandissante d’une agriculture chimique et globale.

Coline Serreau n’est pas une plasticienne ou une politicienne. Elle est une femme engagée qui se refuse à manipuler la réalité. Se contentant pour en dénoncer la perversité de l’observer avec une simplicité et une honnêteté qui donnent à son parti pris force et éloquence.

Sa façon de fertiliser la réflexion sur le "bien et proprement manger" a été de rencontrer, pendant deux ans, des anonymes et des penseurs de l’agrobio - dont Pierre Rabhi (***) et Vandana Shiva. Et de filmer ces rendez-vous chaleureux et instructifs, caméra à l’épaule (et au poing ?) du Brésil à l’Inde, de la France à l’Ukraine en passant par l’Afrique.

Le propos n’est pas neuf mais l’enthousiasme pertinent et impertinent à le développer maintient et renouvelle l’attention du spectateur très vite prompt à l’assoupissement quand on lui suggère de faire quelques restrictions consuméristes.

Théroigne de Méricourt du bio alimentaire, Coline Serreau choisit de préférer au réseau mortifère des multinationales et autres consortiums la fraternité des femmes et des hommes convaincus que le partage des savoirs et des techniques locaux est le meilleur moyen de répondre aux défis écologiques et « civilisationnels » du siècle.

Avec un allant idéaliste et généreux plus proche de l’esprit soixante-huitard que du militantisme vert-pur-et-dur la cinéaste suggère avec une malice souvent absente des documentaires que la meilleure façon d’orchestrer une révolution qui soit autant écologique qu’humaniste est celle défendue par le poète Paul Fort.

« Se donner la main » pour à la fois être un front de résistance et un pôle de courage. Car la tâche est et sera rude. (mca)

(*) féminisation du rôle du père dans « 3 hommes et un couffin », desséchement d’une planète en péril dans « La belle verte », égoïsme des classes privilégiées dans « La crise ».
(**) respectivement dans "We feed the world" et "Home".

(***) l’inventeur du concept des oasis en tous lieux et l’auteur de " Vers la sobriété heureuse" paru aux éditions Actes Sud.